Atlantide
Disons-le
tout net : parfois, Disney vieillit. Ou s'essouffle, tout au moins.
Je suis le premier à regretter
la décision récente de mettre le haro sur les films en animation traditionnelle,
mais pourtant, au vu de certaines productions (à l'image de cet Atlantide),
le genre peine à se renouveler.
Loin d'être médiocre, Atlantide
- l'Empire Perdu n'en est pas moins bancal, assez fade, et sans relief
particulier. Reprenant à son compte la légende de la cité d'Atlantide
(une civilisation vieille de 2.400 ans environ, encore plus avancée
technologiquement que notre société actuelle), le long métrage disneyen
cuvée 2001 l'assaisonne à sa sauce pour narrer des péripéties mille
fois rabattues : "l'aventure, avec au bout le succès, mais la trahison
survient, et le héros parvient à déjouer la funeste situation"… difficile
de faire plus bateau.
En parlant de bateau (notez la
transition !), avouons que la 'carlingue' de nos téméraires aventuriers
-le sous-marin Ulysse- constitue l'un des éléments indéniablement impressionnant
dans ce long métrage, semblant rendre hommage au Nautilus du célèbre
Capitaine Nemo. Mais Atlantide - l'Empire Perdu n'a pas la même aura
que le film live 20.000 lieux sous les mers, loin s'en faut. Explications.
UN SYNOPSIS… QUI PREND L'EAU
Milo Thatch, jeune cartographe
passionné d'anciennes civilisations (et linguiste confirmé), est persuadé
d'avoir percé le mystère de l'Atlantide. Il prépare ainsi -avec pas
mal de déconvenues- une expédition, financée par Preston C. Withmore,
un milliardaire extravagant et ami de son feu-grand-père…
De là, toute une galerie de personnages
s'offre à nous, du gentil black prêt à secourir son prochain, au loufoque
creuseur de trous, en passant par la mécano rebelle… Chaque personnage
est stéréotypé jusqu'à la plus extrême caricature, et l'humour se trouve
du coup mal exploité. Pourtant, les situations se prêtent parfois à
des gags, mais ils n'étonnent guère plus. Une fois encore, le gentil
benêt un peu ridicule est présent, l'autoritaire commandant d'expédition
est vil à l'extrême, etc. Tout cela devient lassant. Et passablement
soporifique.
RETOUR SUR UNE POLEMIQUE ABSURDE
Sans entrer dans toutes les arcanes
de la polémique liée au film, il convient d'en rappeler les principaux
faits incriminés. Lors de la sortie cinéma d'Atlantide, bon nombre de
fans de japanimation se sont fait entendre, criant ouvertement au plagiat
: Atlantide serait calqué sur Nadia - le secret de l'eau bleue, fameuse
série télévisée nippone de la Gainax. Le dernier Disney souffrirait
ainsi du syndrome Roi Lion, repompe du Roi Léo, œuvre du grand Osamu
TESUKA. Les scénaristes de chez Disney seraient-ils à ce point en manque
d'inspiration, pour reprendre au détail près des éléments d'œuvres étrangères
? Il semble ne rien en être. Car si certaines similitudes semblent troublantes,
on peut aisément avancer des contre-arguments... imparables.
Ainsi, Milo serait l'équivalent disneyen du Jean de la série
en question, et la princesse Kida un ersatz de Nadia herself. L'équipage,
pour sa part, est également constitué d'un mécano garçon manqué, d'un
médecin black, etc. Pourtant, nous le disions plus haut, peut-on pour
autant parler d'originalité ? Tous ces personnages sont dans les deux
cas de parfaits stéréotypes, personnages aseptisés qui ne font que remplir
le quota imposé, exigeant la présence des minorités actuelles. Dans
les deux situations le politiquement correct a donc frappé.
En outre, le mythe de l'Atlantide ne date pas d'hier. Le cinéma
se l'est approprié depuis sa création, et Nadia, comme ce récent Atlantide,
ne font que remonter aux sources de la légende. Si l'on veut donc s'enfoncer
dans une vaine polémique, à ce compte Nadia aurait tout plagié sur les
écrits de Platon… L'essentiel est en définitive l'effort investi par
les studios de chez Disney, qui ont revisité le mythe du peuple atlante
à leur façon. Avec en premier lieu une approche esthétique irréprochable.
UNE ŒUVRE AU DESIGN ORIGINAL
Tout l'univers ou presque a été créé par le talentueux Mike MIGNOLA,
qui est depuis déjà quelques temps l'un des auteurs et dessinateurs
de comics les plus reconnus de sa génération. MIGNOLA a lancé son premier
projet vraiment personnel en 1994. Son nom : Hellboy (dont nous attendons
l'adaptation ciné avec une impatience non feinte). C'est sur cette prestigieuse
carte de visite que l'auteur de comics s'est fait remarquer par les
pontes de chez Disney, d'où son implication dans leur dernière grande
production, Atlantide. Sur le long métrage, Mike MIGNOLA s'est beaucoup
investi, de la conception de l'univers des atlantes, aux designs de
la cité engloutie et à l'élaboration graphique des personnages, la princesse
Kida en tête ! [Précision : lorsque MIGNOLA a été
contacté par Disney, les artistes de la société
avaient déjà conçu la plupart des personnages en
s'inspirant de son style. MIGNOLA n'a eu qu'à donner son aval,
et son travail a essentiellement consisté à créer
les décors - ND Pierre, rédac chef]
Sur ce point, force est d'avouer
que les réalisateurs d'Atlantide ont eu le nez creux. Auteur en vogue,
Mike MIGNOLA enrichit ainsi son C.V. d'une prestigieuse collaboration
; et son graphisme si particulier (côté anguleux des protagonistes,
constant contraste entre de magnifiques teintes rouges et bleues...)
fait souffler un vent de renouveau sur la maison Disney. Reste ce fond
si convenu, qui plombe une forme pourtant bien séduisante.
Cédant en outre à une mode récente
qui veut que tout bon film contienne sa dose de références cinéphiliques
(dans certains cas ça surprend agréablement, dans d'autres "ça gave"),
Atlantide ne déroge pas à la règle et fait tantôt un clin d'oeil à Aladdin
(le passage dans le volcan où Milo en réchappe in extremis), tantôt
à Matrix (avec le capitaine Rourke qui voit son bras contaminé, puis
est possédé entièrement -la posture et la réaction sont identiques à
celle du personnage de Keanu REEVES), tantôt même -avec cette fois une
référence plus heureuse- à Merlin l'enchanteur, lorsque le docteur black
déclare qu'une fois au fond du gouffre, on ne peut que monter... Le
film aurait du s'en inspirer pour peaufiner son dénouement, bien trop
prévisible et expéditif.
AU FINAL ?
Allez, reconnaissons qu'Atlantide
- l'Empire Perdu se laisse suivre sans trop de déplaisir : on est rapidement
dans le vif de l'action, le Léviathan est impressionnant, et certains
seconds rôles, comme la mégère toujours la clope au bec (transfuge semble-t-il
de la propriétaire du restaurant dans Kuzco !), sont par moments irrésistibles.
Mais, au sortir du film, l'on reste sur sa faim. Le dénouement est trop
vite expédié, et quelques scènes superflues dispersent l'attention du
spectateur (rébellion de l'équipage de l'Ulysse que l'on voyait venir
à des kilomètres, découverte du coeur de l'Atlantide qui s'éternise,
etc.).
Le dernier film en date de Gary
TROUSDALE et Kirk WISE n'est pas fondamentalement mauvais, mais deux
regrets ne peuvent s'empêcher de poindre chez le passionné d'animation
que je suis. D'une part, au vu des réalisateurs du long métrage, l'on
était en droit d'espérer mieux (il est loin le temps de la Belle et
la Bête), et d'autre part, on pouvait s'attendre plus globalement à
quelque chose de grandiose -voire de mémorable-, eu égard à la célébration
des 100 ans de la firme. Car il convient de rappeler qu'Atlantide était
censé couronner un siècle d'innovations technologiques et d'émerveillement
sans cesse renouvelé. Or, on est bien loin ici de Fantasia, de Blanche-Neige
ou du Roi Lion... Disney, un empire en voie de perdition ?
Gersende Bollut
Fiche d'identité
- Titre original : Atlantis, the Lost Empire.
- Origine : Etats-Unis - Couleurs - 1 h
31 min.
- Date de sortie France : 28 Novembre 2001.
- Production : Don HAHN/Walt Disney Productions.
- Réalisateurs : Gary TROUSDALE et Kirk
WISE.
- Scénario : Tab MURPHY, Gary TROUSDALE,
Joss WHEDON, Kirk WISE, Bryce ZABEL et Jackie ZABEL.
- Doublage VO/VF : Michael J. FOX/Luq HAMET,
James GARNER/Jean RENO, John MAHONEY/Patrick TIMSIT...
- Character Design : Mike MIGNOLA.
- Musique : James Newton HOWARD et Diane
WARREN.
- Sortie DVD : 15 mai 2002.
- Lien Internet : http://disney.go.com/disneypictures/atlantis/flash/index.html
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"Loin
d'être médiocre, Atlantide n'en est pas moins bancal, assez fade, et
sans relief particulier"
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