Les
Celluloïds
ou "Dis, comment ça marche
un dessin animé ?"

Vous
êtes-vous déjà posé la question : "Mais comment c’est fait, un dessin
animé ?" En réponse à cette simple question, il y a un mot : celluloïd.
Parler de celluloïds, c’est évidemment parler d’animation puisque les
premiers font la seconde (en règle générale)...
Les
celluloïds, qu'est-ce que c'est ? Tout le monde en a entendu plus ou
moins parler, mais qu'en est-il vraiment ? Comment sont-ils faits et
comment sont-ils utilisés, combien peut-on en avoir dans un épisode
ou dans un film, sont-ils tous de la même taille, ou encore combien
ça vaut après ? Beaucoup de questions auxquelles Frames va tenter de
répondre... Afin d'illustrer ce dossier, je vais me baser sur un celluloïd
de City Hunter : Goodbye My Sweetheart, issu de la scène entre Kaori
et Emi dans le café "Cat's Eye" (vers 9'30).
LE
CELLULOÏD, KESAKO ?
Un
celluloïd, appelé aussi souvent 'cellulo' (terme que j’emploierai par
la suite), ou encore 'cel', c’est avant tout la feuille plastique transparente
sur laquelle seront dessinés le ou les personnages, ou des éléments
de décor. La plupart du temps (pour les séries), il s’agit d’une feuille
au format un peu équivalent au A4 (26,5 x 23), avec en haut 3 trous
dont nous expliquerons l'utilité plus tard... Mais il existe d’autres
formats, plus larges principalement, pour les films ou les séquences
de scrolling.

C’est
donc sur ce support que l’on va peindre (car il s’agit de peinture)
nos divers héros. Mais avant d’en arriver à cette étape, on va d’abord
préparer le dessin sur une simple feuille annexe (appelée 'crayonné'
en général), du même format et avec les mêmes trous en haut. Ce crayonné
présente en fait tous les contours du personnage que l’on va dessiner,
avec les zones d’ombre et de lumière, et quelques annotations éventuelles
pour les couleurs à utiliser. C’est un peu comme un dessin à colorier...
Ce
crayonné va servir alors de base. On place au-dessus le celluloïd vierge,
et c’est là que les trous interviennent : on se sert d’un appareil qui
contient des encoches pour mettre à la fois le crayonné et le cellulo
ensemble, sans qu’ils bougent.
La
première phase peut alors commencer : on reproduit sur le recto du cellulo
tous les traits (noirs en principe) des contours de notre dessin. Mais
par contre on ne marque pas les passages ombre-lumière. Puis on enlève
le crayonné et c’est au dos du cellulo (le verso) que l’on va appliquer
les couleurs. Pourquoi dans ce sens ? Parce que la peinture aura toujours
un aspect bien lisse lorsque l’on regardera le cellulo de face puisqu’elle
est collée au support. Cela a aussi l’avantage que si certaines couleurs
débordent sur d’autres, cela ne se verra pas comme c’est au dos. Toutes
les couleurs sont ainsi mises les unes après les autres, des détails
en premier jusqu’aux grandes surfaces en dernier. En plus des traits
de contour sur le recto, on peut aussi ajouter quelques effets de reflets
par exemple. Il serait en effet trop difficile de les faire au verso
en premier sans avoir commencé le personnage. On obtient ainsi une simple
image sur fond transparent qui pourra être utilisée par la suite dans
une ou plusieurs séquences animées.

A
noter enfin que tous les cellulos portent un code en haut à droite qui
les identifie. Ce code servira par la suite pour trier les cellulos
et créer les séquences dans le bon ordre.
UN
CELLULOÏD = UNE IMAGE ?
Est-ce
que 1 celluloïd = 1 image ? Et bien, l'exemple ci-dessus extrait de
City Hunter répond déjà à cette question : non, bien entendu. En réalité,
beaucoup de scènes nécessitent que l’on ne dessine pas tout sur un seul
cellulo : plusieurs personnages auront chacun leur propre cellulo, ou
bien pour un seul personnage, on peut laisser des zones "vides". C'est
le cas d’un visage en gros plan qui parle par exemple. En effet, le
visage complet ne sera pas sur un seul cellulo, mais sur plusieurs :
le visage sans la bouche d’un côté, et la bouche seule de l’autre. Dans
notre exemple de City Hunter, c'est le cas de Kaori : la bouche est
dissociée de son visage car elle parle à cet instant. Ainsi les différents
mouvements de lèvres peuvent être dessinés sur plusieurs cellulos à
part, et le visage, lui, sera réutilisé autant de fois que nécessaire.
Les cellulos étant transparents, on a juste à les superposer pour obtenir
une image complète. Cela a deux avantages majeurs : un gain de temps
précieux, et surtout un visage fixe qui ne bouge absolument pas. Si
l'on avait dû redessiner plusieurs fois le visage, il aurait été impossible
d’avoir exactement les mêmes traits aux mêmes endroits, et l'on sentirait,
lors de l'animation, une sorte de tremblement désagréable.

Ainsi
un celluloïd peut servir pour plusieurs images, et à l'inverse, pour
obtenir une seule image, plusieurs celluloïds peuvent être utilisés.
A noter que généralement, même pour un petit détail à part sur un cellulo,
le crayonné correspondant a été réalisé avant. Ainsi, si pour une scène
on a 4 cellulos, on a réalisé avant les 4 crayonnés correspondants.
ET
LE DÉCOR ?
Pour
le décor de fond, les choses sont généralement beaucoup plus simples
: il s’agit d’une feuille de papier à dessin style 'Canson' sur laquelle
on peint le décor désiré : l’intérieur d’une pièce, une forêt, des bâtiments,
etc. Un décor par contre est souvent très soigné et peut avoir une multitude
de petits détails et des effets assez variés. Etant donné qu'il n'y
aura pas d’animation à faire à ce niveau-là, les dessinateurs peuvent
en rajouter un peu, cela ne pose pas de problème. Attention cependant,
cela ne signifie pas que tous les décors sont réalisés ainsi : ils peuvent
aussi être dessinés sur celluloïds, notamment les décors amenés à être
"brisés" comme un mur qui est détruit ou des rochers qui éclatent par
exemple, ou encore des décors qui bougent comme des arbres au premier
plan lors d'un scrolling. On a là des décors qui se retrouvent "animés"
tout comme un personnage. Cela se remarque d'ailleurs assez facilement
lorsque l'on regarde un dessin animé, car ce genre de décor est souvent
au premier plan, avec moins de détails et des couleurs plus vives que
le "vrai" décor de fond, qui lui est réalisé avec minutie.

Une
fois cette étape terminée, il ne reste plus qu’à positionner le ou les
cellulos par dessus, et l’on a définitivement une image complète qui
pourra par la suite être "scannée" en vue de la création du dessin animé.
Bien évidemment, il y a beaucoup moins de décors que de cellulos à réaliser
: un seul décor peut servir plusieurs secondes (voire minutes en comptant
les réutilisations). Lorsque vous recherchez donc des cellulos en boutique,
il est normal que vous en trouviez une majorité sans décor.
L'IMAGE
FINALE
Une
fois que l'on a le décor et les divers cellulos, on utilise une machine
qui va "scanner" une à une toutes les combinaisons (cellulos
+ décor) pour obtenir ce que l’on verra au final à l’écran. C'est un
travail assez fastidieux à réaliser. A ce propos, vous pouvez remarquer
sur les images présentées plus haut que les bords du décor ou des cellulos
n’étaient pas parfaits. En fait, seuls les 2/3 environ de la surface
sont réellement utilisés. Une fois toutes les images scannées, elles
sont par la suite utilisées pour créer les animations proprement dites,
mais cela est un autre sujet (technique) que je n’aborderai pas ici.
Pour les séquences animées, on utilise généralement une feuille présentant
plusieurs tableaux dans lesquels on renseigne les cellulos utilisés
(Time chart).

COMBIEN
DE CELLULOÏDS ?
Question
intéressante parmi tant d’autres : il faut déjà différencier une simple
série télévisée d’un côté, et les films d’animation de l’autre. Dans
le second cas, les moyens mis en place sont beaucoup plus importants.
Il est évident que si on décide d’animer plus de choses, ou de mettre
plus d’images par seconde, alors l'animation finale n’en sera que meilleure
bien entendu. Dans le cadre d'une série TV, on a moins d'images par
seconde en général que dans un film, et l'on n'hésite pas à insister
sur des plans fixes, ce qui limite aussi le nombre de cellulos à créer.
Bien évidemment, le résultat est directement visible à l'écran au final.
ET
POUR LES COLLECTIONNEURS, COMBIEN ÇA VAUT ?
La
question qui pourra faire mal à votre porte-monnaie... En effet, une
fois qu'une série ou un film est terminé, nombre de celluloïds se retrouvent
en vente, dans des boutiques spécialisées ou ailleurs, et nombreux sont
les fans qui espèrent avoir un véritable morceau "unique" de leurs séries
préférées. En effet, je rappelle qu'un celluloïd est unique ! Cela a
son importance évidemment, car qui dit unique, peut vouloir dire très
cher ! Ensuite, beaucoup de critères entrent en jeu : est-ce une série
populaire ou non ? Est-ce qu'il y a le décor ? le crayonné ? Beaucoup
de combinaisons sont possibles. La plupart du temps, vous trouverez
des cellulos simples sans décor, avec assez souvent le crayonné qui
va avec. Vous trouverez en plus petite quantité les cellulos avec décor
(normal, vu qu’un seul décor sert pour plusieurs cellulos), mais plus
chers bien entendu. Et si vous avez de la chance, vous pouvez tomber
sur le trio cellulo-crayonné-décor. Mais là c’est beaucoup plus rare.
Alors
combien ça vaut ? Les moins chers, une dizaine d’euros. En général c’est
un personnage seul, sans décor, d’une série normale. Mais vous en trouverez
beaucoup plus tournant entre 50 et 150 euros. Là, vous trouverez des
personnages plus connus avec décor éventuellement, comme un City Hunter,
un Cobra ou un Saint Seiya. Mais ça peut monter très vite ! Un personnage
principal en assez gros plan, avec un beau décor derrière, d’une série
très connue, peut atteindre plusieurs centaines d’euros sans difficultés.
Enfin, si vous courez après des cellulos du studio Ghibli par exemple,
vous pouvez aller demander un prêt à votre banquier : j’ai personnellement
vu certains cellulos à plus de 10.000 € !
A
noter enfin que sur les séries assez récentes, les nouvelles techniques
d’animation (informatique, utilisation de CGI...) font qu’il y a moins
de cellulos ou de décors réalisés (c’est vrai pour tous les mechas
créés entièrement par ordinateur). Du coup, ces cellulos sont aussi
plus chers à la base, vu qu'il y en a moins.
Maintenant,
pour ce qui est d'en trouver, il existe quelques boutiques en France
qui en vendent, vous en trouverez aussi lors des grandes conventions
(Japan Expo, Cartoonist). Sinon de nombreux sites sur Internet en proposent,
mais sachez qu’il vaut mieux voir en vrai un cellulo avant de l'acheter,
ne serait-ce que pour vérifier qu'il n’est pas abîmé (ou collé au décor/crayonné,
ce qui arrive souvent lorsqu'ils restent l'un contre l'autre une longue
période), chose difficilement vérifiable sur internet. Enfin l'idéal
est d'avoir un contact directement au Japon, les prix sur place étant
beaucoup moins élevés qu’en France.
EXISTE-T-IL
DES FAUX OU DES ARNAQUES ?
Hélas
oui, il en existe. Cependant c'est très rare, mais sachez que cela touche
plus particulièrement les "gros" cellulos, ceux qui valent cher. En
effet, il n’y a aucun intérêt de faire un faux d’un cellulo qui ne vaut
que 40 ou 50 €, ce n’est pas rentable. Cela concerne aussi principalement
des cellulos seuls sans décor, et bien entendu, sans crayonné. Il est
cependant très difficile de repérer un faux, surtout pour une série
récente, mais tant que vous passez par des boutiques ou des contacts
fiables, vous ne craignez rien en principe. Il circule des milliers
de vrais cellulos en permanence et tomber sur un faux est tout de même
rarissime.
Attention
aussi à la combinaison décor + cellulo, où parfois le décor n’a absolument
rien à voir avec le cellulo présenté ! J’ai vu une fois un Lady Oscar
avec une... pyramide derrière elle ! Amusant... Cependant si le décor
n'est pas le bon, il peut tout de même faire partie de la série. Les
décors n'étant pas directement liés à un seul cellulo, il arrive qu'ils
soient mélangés par la suite, une fois la série finie...
Enfin,
sachez qu’il existe aussi des vrais-faux cellulos. Je sais, c’est étrange.
Il s’agit en fait de cellulos réalisés directement par les maisons de
production, via des machines, en plusieurs exemplaires, afin de pallier
justement le manque de cellulos pour des séries récentes, ou alors parce
que ces maisons n’ont justement pas donné au public les cellulos originaux.
C’est le cas pour Evangelion notamment, où la Gainax a gardé précieusement
la plupart de ses dessins. Il s’agit cependant d’une pratique très rare...

EN
CONCLUSION
Comme
vous avez pu le voir, le monde des celluloïds est finalement assez complexe,
et derrière ce que l'on pourrait considérer comme de simples dessins
se cache toute une mécanique qui n'a pour seul but que de faire de l'animation
de qualité. Aujourd'hui, les nouvelles techniques tendent à simplifier
le travail général et beaucoup de dessins (personnages ou décors) sont
réalisés sur ordinateur, mais les celluloïds sont encore beaucoup utilisés,
offrant un rendu final souvent différent de ce que l'on obtient par
ordinateur.
Joe
Gillian
Liens
Internet
-
http://www.lunacels.com
- http://www.midnights-millennium.com/cels/cels.htm
- http://www.angelfire.com/ca2/lil
- http://membres.lycos.fr/elijah2/cels.html
Article
publié conjointement sur les sites DVDAnime et Frames.
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"Le
monde des celluloïds est assez complexe, et derrière ce que l'on pourrait
considérer comme de simples dessins se cache toute une mécanique qui
n'a que pour seul but de faire de l'animation de qualité"
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