Sommaire

Cendrillon



O
n peut dire ce que l'on veut sur Cendrillon, ce classique disneyen touche certainement plus à l'imaginaire des petites filles qu'à celui de la gent masculine. Si l'expression 'fleur bleue' ne vous dit rien, jetez donc un coup d'oeil sur ce film... par ailleurs non dénué d'intérêt.


AU FAIT : POURQUOI SERAIT-CE UN "CLASSIQUE" ?

Interrogation qui semble légitime à une époque où, forte de plus de 100 ans d'expérience, la firme Disney estampille systématiquement le moindre de ses nouveaux longs métrages de "classique instantané". Et ne parlons pas des jaquettes de nos (presque) feues-VHS qui arboraient en outre le slogan "LE Chef-d'oeuvre de Walt Disney", sans finalement se mettre d'accord, puisque de Pinocchio au Livre de la Jungle en passant par cette Cendrillon, tous les films avaient droit au privilège ultime.

En fait, si Cendrillon ne représente certainement pas l'apogée du style Disney (les prétendants lorgneraient plutôt du côté de Blanche-Neige, de Fantasia ou du Roi Lion si le succès public entre en outre en ligne de compte), le film qui nous intéresse ici n'usurpe pas sa condition extrêmement enviable de classique intemporel.

Avec deci-delà quelques audaces visuelles jamais vues jusqu'alors dans un film Disney. Les ruses entre les souris et le chat relèvent d'un machiavélisme jouissif digne des coups bas de Tom & Jerry ; les expressions faciales des personnages sont très réussies et bluffantes de 'modernisme' (les mimiques de Cendrillon, tantôt mutine tantôt blasée, attestent d'une étude poussée des expressions du visage humain de la part des animateurs) ; et comble de tout, la mise en scène joue régulièrement avec le cadre-même de l'écran, à l'image de cette séquence où la bonne fée de Cendrillon -sa marraine- se demande où diable elle a bien pu ranger sa baguette magique... et la fait apparaître soudain, ex nihilo, comme venant spontanément du hors-champ ! Gonflé.


LE CONTE EST BON

Au registre des chansons, rien à redire, tant l'ensemble est maîtrisé de bout en bout, avec quelques morceaux musicaux remarquables (Chante Rossignol, Chante est une très belle mélodie, accompagnée d'une superbe séquence, hélas trop courte). Ajoutez à cela des décors magnifiques, des seconds rôles excellant dans la cruauté savoureusement croqués (la mère est une vraie marâtre, les deux sœurs Javotte et Anastasie de vraies pestes...), et un bestiaire farfelu hautement jubilatoire (des souris malicieuses qui volent régulièrement la vedette à Cendrillon, au sournois chat Lucifer qui n'est pas sans évoquer l'autre chat loufdingue d'Alice au pays des merveilles), et vous obtenez les ingrédients du film parfait pour toute la famille !

Pourtant, malgré toutes ces qualités indéniables, le long métrage véhicule beaucoup trop de clichés pour être tout à fait honnête. Je sais bien qu'il ne faut pas voir à théoriser sur tout, le film étant avant tout destiné aux jeunes filles rêvant du grand amour, croyant au coup de foudre et attendant le prince charmant... mais ne croyez-vous pas que toutes ces idées, un demi-siècle après la sortie du film, font montre d'images trop surannées pour que l'on soit indulgent ?

L'issue est de plus connue d'avance, et le semblant de suspense final n'y change strictement rien (rappel : seule une pantoufle de verre saura distinguer Cendrillon des autres prétendantes au prince, et ladite pantoufle ne cesse de manquer de se casser, jusqu'à la dernière seconde !). En outre, ce pseudo-thème latent qui veut que l'espoir fait vivre est ici exploité jusqu'à une caricature juste invraisemblable. Cela ne suffit pas à Cendrillon d'être célibataire, elle est conspuée et traitée en souillonne par les propres membres de sa famille ! Y'a des limites à tout, quand même.

Cendrillon appartient en fait à cette caste très noble du film d'animation comme genre perpétuant la tradition des contes populaires. Tous les codes (éculés) du genre sont ainsi réunis, du prologue -un livre fort ancien s'ouvre- et son incontournable Il était une fois, aux rebondissements prévisibles (l'amour triomphe sur l'injustice infligée à cette pauvre Cendrillon ; ses soeurs et sa mère sont bien punies de leur méchanceté, etc.), et à la fin on ne peut plus consensuelle. Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants...

Gentiment désuet... mais désuet quand même.

Gersende Bollut


PS : Et pour que l'on juge de ma bonne foi, on pourrait même signaler à Cendrillon que cohabiter avec des souris atteste d'une propreté douteuse !


Fiche d'identité


- Titre original : Cinderella.
- Origine : Etats-Unis - Couleurs - 1 h 14 min.
- Date de sortie France : 1950.
- Production : Walt DISNEY et Ben SHARPSTEEN.
- Réalisateur : Clyde GERONIMI, Wilfred JACKSON et Hamilton LUSKE.
- Scénario : Ken ANDERSON, Homer BRIGHTMAN, Winston HIBLER, Bill PEET, Erdman PENNER, Harry REEVES, Joe RINALDI et Ted SEARS, d'après l'œuvre de Charles PERRAULT.
- Doublage VO : Ilene WOODS (Cendrillon), Verna FELTON (la belle-mère), Rhoda WILLIAMS (Javotte), Lucille BLISS (Anastasie), William PHIPPS (le prince)...
- Musique : David MACK, Al HOFFMAN, Oliver WALLACE, Paul J. SMITH et Jerry LIVINGSTON.
- Box-office France : NC.
- Sortie DVD : sortie Collector prévue pour octobre 2007.
- Lien Internet : www.disney.fr/DisneyVideos

 

"Cendrillon appartient à cette caste très noble du film d'animation comme genre perpétuant la tradition des contes populaires"