Walt
Disney
Il
est toujours délicat d'écrire sur une personnalité
de l'envergure d'un Walt DISNEY. Que rajouter qui n'ait déjà
été dit ? Comment aborder l'œuvre dantesque d'un artiste
aux multiples facettes, dont la filmographie pioche allégrement
dans la littérature du XIXème siècle, et dont la
finitude n'est pas le moindre de ses paradoxes... En effet, comment
un homme blessé, lui-même en constante structuration vis-à-vis
de l'image parentale (la faute à l'ombre d'un père à
qui il n'a jamais pardonné ses accès de colère),
comment cet homme peut-il prétendre inculquer à des générations
de bambins des moeurs correctes et une éducation stable et convenable
?
Walt
DISNEY était un génie, mais pas forcément dans
le sens où on pourrait l'entendre. C'était surtout un
redoutable homme d'affaires, avec la volonté farouche de réussir
dans toutes ses entreprises. On lui reproche de pervertir la jeunesse
avec des histoires mielleuses, et en reprenant à son compte (pour
ne pas dire à sa sauce) les contes de notre enfance en en modifiant
le dénouement, voire les enjeux dramatiques premiers ? Qu'importe
serait-on tenté de dire, puisque objectivement, Alice au Pays
des Merveilles et Pinocchio sont de véritables chefs-d'oeuvres,
Robin des Bois et Merlin l'Enchanteur d'aimables comédies, et
Fantasia le summum de l'animation expérimentale qui prouve
qu'argent rime avec talent.
Mais
définitivement, Blanche-Neige reste la quintessence du génie
de Walt. Conteur des temps modernes et véritable Maître
dans l'art du rythme filmique, l'ombre de Walt continue de hanter et
de nourrir les sources d'inspiration de la filmographie actuelle de
la maison de production qui prétend prolonger son oeuvre. DISNEY
souhaitait, à l'image d'un Pierre de COUBERTIN, hisser toujours
plus haut le degré de qualité du cinéma d'animation,
avec d'incessantes nouvelles recherches dans l'exploitation de la forme...
peut-être moins dans celle du fond (constant rappel des valeurs
familiales, respect d'autrui, morale structuratrice, etc). Si certains
longs métrages récents feraient sans doute honte au grand
Walt (Dinosaure ou Atlantide), des films comme Toy Story ou Kuzco, tout
en s'éloignant considérablement des mœurs des années
50, conviennent à l'adage du maître : s'adapter au public
de son temps en lui offrant du divertissement de qualité, tout
en cherchant coûte que coûte à créer la surprise
à chaque rendez-vous.
PIERRE TCHERNIA RACONTE...
Sur
la base de 3 clichés rarement dévoilés au grand
public, le grand homme de télévision ès-Disney
qu'est Pierre Tchernia retrace dans les grandes lignes la carrière
de Walt, l'un des acteurs les plus doués de sa génération,
et un artiste majeur de toute l'Histoire du XXème siècle.
Walt
DISNEY à 17 ans
"Regardez
cette photo. Elle a été prise en France à la fin de la guerre 14-18.
Elle représente une ambulance de la Croix-Rouge américaine et son conducteur,
un garçon de dix-sept ans qui a déclaré en avoir dix-huit pour pouvoir
être engagé. Sur le côté du camion, vous voyez la tête d'un soldat,
caricature dessinée par ce jeune homme qui possède un bon coup de crayon.
C'est le premier essai graphique que nous possédions de lui. Il en fera
son métier et deviendra le dessinateur sans doute le plus célèbre du
monde : il s'appelle Walt DISNEY. La guerre finie, il rentre dans son
Kansas natal, exécute des petits croquis pour les journaux puis
découvre avec émerveillement un art encore tout jeune auquel il va consacrer
sa vie : le dessin animé. Pendant quelques années, il apprend son métier,
utilise plusieurs personnages (Alice, Oswald le lapin) et brusquement,
en 1928, quand éclate la révolution du cinéma sonore, il se lance dans
la fabrication du premier dessin animé musical, créant du même coup
un personnage qui fera le tour du monde : Mickey".
Construction
des studios Disney d'Hyperion Avenue, à Los Angeles...
"Cette
photo-là date de 1933. On termine la construction des studios Disney.
Tout a commencé dans un petit garage mais, cinq ans après la naissance
de Mickey, il faut répondre à la gigantesque demande, engager des auteurs,
des dessinateurs, des musiciens : le nom de Walt DISNEY s'est imposé
dans le monde entier. Le rythme de production qu'adopte l'équipe est
étonnant quand on songe à l'invention et au travail qu'exige chaque
dessin animé. Ils en fabriquent alors deux par mois et chacun d'entre
eux compte environ douze mille petites images ! Mickey, petit bonhomme
malin et sympathique, dont on oubie vite qu'il est une souris, est connu
partout : il est Topolino en Italie, Miki Naoy en Grèce, Mikki Hiri
au Japon. Bientôt il est entouré de Minnie, de Dingo, de Pluto (le seul
de ces animaux qui ne soit pas humanisé et qui marche à quatre pattes)
et de Donald. Le coléreux petit canard finira même par dépasser son
aîné puisqu'il y a, dans la cinémathèque Disney, 127 Donald pour 121
Mickey.
Père
Noël sans barbe, Walt DISNEY, en quelques années, a fait descendre dans
les souliers du cinéma le long du faisceau de lumière, au pied de l'écran,
bien des jouets merveilleux. Au cours des années qui suivent, il va
connaître la pleine gloire et devenir l'empereur du dessin animé et
du spectacle familial. Dès 1935, alors qu'il venait juste de conquérir
le monde avec ses petits Mickey, il décide de commencer la production
d'un long métrage : Blanche-Neige. Les spécialistes, les financiers
lui déconseillent ce projet délirant : qui pourra supporter quatre-vingt
minutes d'animation ? Avec cinq cents collaborateurs, il mène à bien
cette entreprise folle. Blanche Neige et les 7 nains font une entrée
triomphale sur l'écran en décembre 1937. Depuis, tous les dix ans, on
présente à nouveau ce film qui ne vieillit pas et, chaque fois, il attire,
dans chaque ville du monde, pour Noël, autant de spectateurs que les
nouveaux films à succès. Après Blanche-Neige, il y aura Pinocchio et
les Aristochats, les 101 Dalmatiens et le Livre de la Jungle, une vingtaine
de longs métrages qui, eux aussi, tous les dix ans, commencent une nouvelle
carrière. C'est la magnifique entente entre DISNEY et son public, l'alliance
du comique et du drame, de la tendresse et du rire. Depuis que le cinéma
existe, un seul homme a connu semblable réussite : Charlie CHAPLIN".
Walt
DISNEY regarde le chapelier toqué d'Alice au pays des merveilles apparaître
sous le crayon d'un animateur.
"Walt
DISNEY a créé le premier dessin animé sonore puis, à l'apparition
du Technicolor, le premier dessin animé en couleurs. Il a pris le risque
de faire le premier long métrage d'animation. Non content de ces réussites,
il s'est lancé dans le long métrage de personnages vivants (20.000 lieues
sous les mers), il a créé des documentaires passionnants (C'est la vie)
et, conscient de l'importance qu'allait prendre la télévision, fabriqué,
l'un des premiers, des histoires à épisodes (Zorro). C'est ce qui est
étonnant chez cet homme : le désir d'aller de l'avant et d'y parvenir.
L'un de ses rêves d'enfant le poursuivait : la création de parcs d'attractions.
Il a réussi cela aussi, et magnifiquement, avec, aux Etats-Unis, Disneyland
(ouvert en 1955), Disneyworld (71), Epcot (82), au Japon, Tokyo Disneyland
(83) et, en France, près de Paris, Euro Disneyland qui ouvrira en 1992.
Cet homme surprenant a toujours eu l'envie d'émerveiller les autres
avec ce qui l'émerveillait lui-même. Disneyland, 20.000 lieues sous
les mers ou Blanche-Neige, c'est la même chose : un plaisir léger comme
une bulle de savon, un rêve qui devient une sorte de réalité.
Au
pays de l'impossible Walt DISNEY était le roi".
Pierre
Tchernia
UN
HÉRITAGE SOUS-ESTIMÉ ?
Il
est facile de dénigrer l'héritage Disney (puisque le patronyme
de Walt est désormais une marque de fabrique), mais ce serait
faire preuve de bien d'ingratitude. Combien de larmes avons-nous coulé
devant Bambi, combien de rires ont su nous arracher les nains de Blanche-Neige,
et combien d'airs issus de Mary Poppins, Alice ou la Belle au bois dormant
continuons-nous de fredonner ? Sous-estimer l'apport de son œuvre au
7ème art serait en outre faire fi de son sens inné pour
porter à l'écran -ou imaginer- tout un univers poétique
un peu naïf et touchant (Dumbo), où l'aventure cède
le pas au danger (Peter Pan), et où la modernité côtoie
dans une savante alchimie un classicisme absolu (le mythe du sauvage
du Livre de la Jungle sauce jazzy).
Gersende Bollut
Filmographie
non-exhaustive
Si
Walt DISNEY n'a signé le scénario que de 3 longs métrages
(Alice au Pays des Merveilles [version 1923], Steamboat Willie [1928]
et Lt. Robin Crusoe [1966]), il reste qu'il avait un nombre impressionnant
de productions à son actif : 111 films réalisés,
156 apparitions ou rôles dans des longs métrages, et pas
moins de 658 diverses productions, dans tous les registres. Ouf ! Afin
d'allèger un peu (beaucoup) le contenu de ce portrait, nous ne
retiendrons ici que les courts et longs métrages considérés
"classiques", et faisant intervenir un minimum de séquences
animées (à l'exemple de Mélodie du Sud ou de Mary
Poppins).
-
Steamboat Willie [c.m.] (1928)
- Les trois petits cochons [c.m.] (33)
- Blanche-Neige et les Sept Nains (37)
-
Pinocchio (39)
-
Fantasia (40)
-
Dumbo (41)
-
Bambi (42)
-
Saludos Amigos (42)
-
Les 3 caballeros (44)
-
La boîte à musique (45)
-
Mélodie du Sud (46)
-
Coquin de printemps (47)
-
Mélodie cocktail (47)
-
Danny le petit mouton noir (48)
-
Le crapaud et le maître d'école (49)
-
Cendrillon (49)
-
Alice au pays des merveilles (50)
-
Peter Pan (52)
-
La Belle et le Clochard (54)
-
La Belle au bois dormant (58)
-
Les 101 Dalmatiens (60)
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Merlin l'enchanteur (63)
-
Mary Poppins (63)
-
Le Livre de la Jungle (67)
Les
films
produits par la Walt Disney Pictures, développant une philosophie
plus mercantile et somme toute différente de l'approche de Walt
DISNEY (bien qu'elle s'en défende), feront l'objet d'un prochain
article.
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"Je
ne fais pas des films que pour les enfants. Je m'adresse en fait à
l'innocence enfantine dont le pire d'entre nous n'est pas dépourvu,
si profondément enfouie soit-elle"
Walt
Disney
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