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French Connection



Inspiré d'un fait réel, French Connection est un vrai polar nerveux qui n'a largement pas usurpé sa réputation. En deux mots, resituons l'action : Jimmy Doyle et Buddy Russo forment la meilleure équipe de la brigade des stupéfiants de New York. Une de leurs enquêtes les mène à une filière française, dont l'un des relais serait une boutique de confiserie à Brooklyn...

A partir de ce postulat somme toute banal pour un film policier, William FRIEDKIN réalisait pourtant au début des années 70 un sommet du genre. Après avoir traumatisé des générations de cinéphiles avec l'Exorciste (de l'épouvante autour du personnage de Satan), FRIEDKIN renouvelait l'expérience avec la même maestria, en scotchant cette fois les spectateurs à la faveur de personnages psychologiquement intéressants, et d'une structure scénaristique haletante.


QUAND LA FICTION REJOINT LA REALITE


La personnalité des flics-héros de French Connection (Jimmy Doyle et Buddy Russo) s'est construite sur celle des véritables inspecteurs Eddie Egan et Sonny Grosso. Ceux-ci avaient démantelé un important réseau de drogue en 1962, et leur implication dans le film en tant que consultants techniques pour lui conférer un cachet d'authenticité n'est pas étrangère au climat 'réaliste' du long métrage (on notera d'ailleurs leur présence au sein même du long métrage, puisqu'ils y jouent le rôle des supérieurs des deux détectives). Aucun détail n'a été négligé pour rendre crédible cette sordide affaire...

De fait, le film est étouffant, glauque, présentant pour la première fois aux yeux de l'Amérique un New York peu reluisant (aux côtés d'un Macadam Cowboy). Plongée vertigineuse dans le milieu des trafics de stupéfiants, le film réalise même l'exploit de faire du spectateur un troisième inspecteur de police fictif, aux côtés de Jimmy "Popeye" Doyle (formidable Gene HACKMAN, Oscar 1972 pour sa performance d'acteur) et Buddy "Cloudy" Russo (Roy SCHEIDER, toujours aussi désarmant de naturel). De bout en bout, le film est une réussite éclatante, aussi bien dans les scènes d'exposition (où la psychologie des personnages est brillamment exposée) que dans les séquences d'action (à l'image de cette traque dans le métro après un Alain Charnier redoutable, qui met nos nerfs à rude épreuve), sans omettre l'énigmatique climax, avec ce fameux coup de feu qui ne trouve de justification...


UN TOURNAGE INFERNAL


Plus infernal encore que l'ambiance du film, le tournage même de French Connection n'a été une sinécure pour personne. Ainsi il est des films qui marquent autant pour leur résultat final que pour leurs conditions de tournage éprouvantes (à l'image d'une Linda BLAIR traumatisée par un Exorciste... du même William FRIEDKIN !).

French Connection devant aussi sa réputation à l'incroyable scène de course-poursuite après un métro aérien (qui reste encore considérée comme la meilleure jamais tournée dans une oeuvre cinématographique -et pourtant, les prétendants sont nombreux) [ND Pierre, rédac chef : celle de Police Fédérale Los Angeles, du même réalisateur, est au moins aussi estomaquante]. Ce véritable morceau d'anthologie ne fut pas vraiment planifié, à l'inverse de la célèbre scène de Bullitt (1968), réputée pour sa précision d'horlogerie. Le souhait avoué de FRIDEKIN était d'ailleurs de dépasser le niveau d'excellence de la course-poursuite de ce dernier film, et force est d'avouer que le résultat est trippant. Une fois, dix fois, cent fois, le nombre de projections n'érode nullement la portée de cette scène. Elle fut aussi rocambolesque à l'écran qu'hors-champ, au point justement que, par souci de réalisme, FRIEDKIN laissa une grande liberté au déroulement de la poursuite. Trop grande, puisque l'accident de Gene HACKMAN, réel, n'était pas prévu !

Le tournage fut ainsi très tendu entre le réalisateur et son acteur, celui-ci n'appréciant guère les méthodes "chocs" de ce dernier, réellement traumatisantes. Le film contient notamment de nombreuses scènes en extérieurs, et New York connaissait alors un de ses hivers les plus rudes. Le réalisateur força pourtant son acteur principal à rester de longues heures dehors afin qu'il soit marqué physiquement et moralement par le froid, et que son jeu n'en soit que plus percutant. Des méthodes peu orthodoxes pour un résultat franchement impressionnant...


UNE OEUVRE DEFINITIVEMENT CULTE

French Connection est donc bien plus qu'un polar captivant au suspense haletant, ses parti-pris réalistes (devant et derrière la caméra) en font un film incontournable du cinéma des années 70. Trois ans plus tard, Gene HACKMAN reprit son rôle dans French Connection 2, concocté par un John FRANKENHEIMER au meilleur de sa forme. "Popeye" y est toujours plus tourmenté, davantage rongé encore par le désir de vengeance envers Alain Charnier/le chef de file du réseau. Prétentieux, impulsif, mais surtout xénophobe et bourré de préjugés racistes qui l'ont rendu haineux, le personnage de Gene HACKMAN est l'équivalent crépusculaire de l'inspecteur Callahan (de la saga des Dirty Harry). Un flic soucieux de faire respecter la loi... à sa façon.

Gersende Bollut




Fiche technique

- Titre original : The French Connection.
- Origine : Etats-Unis - Couleurs - 1 h 44.
- Date de sortie France : 14 janvier 1972.
- Production : Philip D'ANTONI/20th Century Fox.
- Réalisateur : William FRIEDKIN.
- Scénario : Ernest TIDYMAN, d'après l'oeuvre de Robin MOORE.
- Casting : Gene HACKMAN, Roy SCHEIDER, Tony LO BIANCO, Fernando REY, Marcel BOZZUFFI...
- Musique : Don ELLIS.
- Box-Office France : 2.154.207 entrées.
- Sortie DVD : 24 avril 2002.
- Lien Internet : http://www.filmsite.org/fren.html

 

"French Connection est bien plus qu'un polar captivant, ses parti-pris réalistes en font un film incontournable du cinéma des années 70"