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Manie - Manie


Expérimental de bout en bout, Manie Manie est un film méconnu, et pourtant constitue une pièce maîtresse dans l'Histoire de l'animation japonaise. Nous jugions aujourd'hui utile de revenir dessus, à l'occasion de son édition en VHS et DVD, chez Dynamic Visions (dont les produits sont difficilement trouvables, ce que l'on ne peut que déplorer !).

Réalisé en 1987, soit un an avant le célèbrissime Akira, ce long métrage se compose de trois sketches, chacun réalisé par un grand nom du cinéma d'animation. En cela, on pourrait le rapprocher (dans son concept) de New York Stories (89), film live dans lequel SCORSESE, ALLEN et COPPOLA avaient pu réaliser chacun un sketch sur le thème de la Big Apple. Mais la comparaison s'arrête là.

Ici, il s'agit donc de trois grands noms de l'animation nippone, RINTARO, Yoshiaki KAWAJIRI et Katsuhiro ÔTOMO en l'occurrence, qui se sont prêtés à l'exercice. Un "défi" relevé haut la main, pour trois courts qui sont de purs chefs-d'œuvre, aussi bien dans leur conception thématique que dans la transcription visuelle, époustouflante à tous les niveaux. Mais voyons tout cela plus en détail.


LABYRINTHE

Hautement onirique, la première partie de Manie Manie reprend la trame d'Alice au pays des merveilles, mais sur un ton moins " mièvre ", et assurément plus mature. Sachi, une jeune fille, accompagné de son chat Cicéron (!), plongent à travers un miroir qui les transporte dans un univers des plus inquiétants. Mais la peur et l'appréhension cèdent le pas à l'attente de la nouveauté et au mystère, aussi bien pour nos deux protagonistes que pour nous, spectateurs ébahis devant cette série de tableaux hallucinés défiant toute logique. RINTARO (Kamui, X…) signe là un chef-d'œuvre d'invention et de poésie, où les allusions à la culture occidentale ne manquent pas. De la référence au tableau Les éléphants de Salvador DALI aux monstres grotesques sortis de l'imagination d'un clown -lesquels rappellent l'univers des Idées Noires du regretté FRANQUIN-, en passant par la présence du morceau ultra connu Carmen, du français Georges BIZET, les clins d'œil (fortement appuyés) abondent. Labyrinthe est le plus court des trois sketches, mais ne démérite pas, la preuve : il fait office d'introduction à Manie Manie, mais aussi de conclusion, avec un happy end incroyable !




L'HOMME QUI COURAIT

Deuxième volet du triptyque Manie Manie, ce sketch est réalisé par Yoshiaki KAWAJIRI (déjà responsable des OAV Cyber City ou Ninja Scroll). Cette fois, on pourrait penser avoir affaire à un scénario plus " sensé ", plus probable dans notre civilisation en tout cas que le sketch Labyrinthe. Zack Hew est coureur automobile dans des courses déjantées où tous les coups sont permis, type F-Zero X, pour ceux qui s'y connaissent un peu en jeux vidéo. Dans ces championnats, ledit Zack s'est forgé une réputation de battant, et sa longévité est d'autant plus surprenante qu'elle attise l'intérêt de Bob Stone, un journaliste venu sur place assister à ce qui sera son ultime course… Au terme d'un combat acharné, Zack explosera littéralement, mais là n'est pas le plus impressionnant : encore une fois, aussi bien pour nous que pour les personnes présentes dans le sketch (en l'occurrence les spectateurs dans les estrades), la stupéfaction naît dans la relation du coureur automobile avec la machine. Sa volonté de vivre et d'être toujours le meilleur est si forte qu'elle a développé en lui des pouvoirs para-psychiques en rapport avec la machine de course ! Très prenant, ce sketch est visuellement très beau et joue fortement sur une alternance de couleurs chaudes (flammes des explosions) et de couleurs froides (les coureurs sacrifiés reviennent tels des fantômes 'glacés'). Le suspense et la tension sont présents du début jusqu'à la dernière seconde, sans un instant de répit.


ARRETEZ LE TRAVAIL !

Terriblement ironique, ce sketch de clôture ne ménage pas les cellules grises du spectateur. OTOMO (Akira, Memories) signe là un court qui préfigure sur bien des points son Akira à venir… En deux mots, le sketch narre l'arrivée de Sugioka, superviseur de travaux publics, sur une île hostile, perdue en pleine jungle, sur laquelle il vient " enquêter " sur la mystérieuse disparition de son prédécesseur. Régie par des robots (travailleurs et donneurs d'ordres) l'île en question est en réalité un gigantesque traquenard dont notre Sugioka ne ressortira probablement jamais. Pourquoi probablement ? Parce que le morceau se clôture sans se dénouer réellement. La musique instaure une légèreté bienvenue, mais le ton ironique s'estompe rapidement pour laisser place à la réflexion : une mise en garde est faite à l'espèce humaine sur les dangers de la course à l'évolution technologique incontrôlée. En cela, OTOMO lance des pistes de réflexion qu'il abordera plus en détail dans son Akira de 1988…


Manie Manie est donc un film-clef, une œuvre puissamment inspirée, qui aborde tour à tour les thèmes des labyrinthes de l'imaginaire, de l'esprit et des structures matérielles avancées. Un œuvre majeure, incontournable !

Gersende Bollut



Fiche d'identité

- Titre original : Manie Manie Meikyu Monogotari.
- Origine : Japon - Couleurs - 50 min.
- Date de sortie France : jamais sorti en salles (réalisé en 1987 au Japon).
- Production, Réalisation et Scénario de : RINTARO, Yoshiaki KAWAJIRI, Katsuhiro OTOMO.
- Doublage :
- Musique :
- Box-Office France : non sorti en salles, mais renommée faite par bouche-à-oreille (découvert en VHS).
- Sortie DVD : printemps 2002.
- Lien Internet : www.animint.com/encyclopedie/dossiers/maniemanie.html

 

"Conçu comme une anthologie, Manie-Manie est le bréviaire du genre, son manifeste, sa Bible, ses tables de la loi"

HK

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Trois sketches, trois fresques qui explorent respectivement les labyrinthes de l'imaginaire, de l'esprit et des structures matérielles"

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