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Mary et Max



Attention, chef-d’œuvre ! Depuis le début de l’année, les salles ne désemplissent guère de productions animées de tous horizons, à tel point qu’il est parfois ardu de distinguer le bon grain de l’ivraie. En l’espèce, Mary et Max est un authentique petit miracle, et sans doute l’un des films majeurs de 2009 aux côtés du vivifiant Là-haut. Déjà récompensé de l’Oscar du meilleur court-métrage d’animation en 2004 pour Harvie Krumpet, l’australien Adam ELLIOT, dont la maîtrise de la technique stop motion à l’aide de pâte à modeler force l’admiration du public et de la profession, récidive avec un talent insolent en signant ce premier long qui raflait au dernier Festival d’Annecy le Cristal du long métrage, ex aequo avec Coraline.

Traitant aussi bien de souffrances dues à l’obésité, l’alcoolisme ou la frustration sexuelle, que de maladies telles que la cleptomanie, l’agoraphobie ou l’autisme, le cinéaste hante ses personnages de questions existentielles touchant à la fois à l’intime et à l’universel, au dérisoire et à la gravité, provoquant notre immédiate et sincère empathie. Inspirée d’une histoire vraie, la relation épistolaire privilégiée qui se noue au fil des années entre deux êtres que tout oppose (culture, mode de vie ou préoccupations) contient pourtant son lot de pure fantasmagorie. Baignés dans des univers glauques, cafardeux pour ne pas dire franchement déprimants, le seul exutoire possible de ces personnages réside dans l’invention douillette et réconfortante d’univers totalement échevelés, fruits de leurs imaginations débordantes. Là où la jeune fille, objectivement ingrate, fabrique elle-même à partir de coquillages et d’os de poulet des jouets qui n’ont rien à envier aux créatures de Tim BURTON, avec pour tout ami un taxidermiste amateur qui se hâte d’empailler les oiseaux accidentés ramassés au bord de l’autoroute (sic) ; le new-yorkais hypocondriaque, radié de l’armée après avoir montré sa carte de membre d’un fan-club de science-fiction, cohabite avec un ami invisible nommé Mr Ravioli ! S’il est acquis que la personnalité de chacun d’entre nous comporte une part de névrose, ces deux spécimens-là devraient se révéler précieux pour le corps médical. Quand bien même le psychiatre attitré de Max est lui-même un véritable névropathe…

Ainsi donc, Adam ELLIOT parvient à scotcher le spectateur du premier au dernier plan en narrant la correspondance chaotique d’une fillette dépressive avec un vieux garçon patenté, sans pathos ni commisération, mais avec un réel respect et une tendresse non feinte. Humanité que manifeste aussi le cinéaste envers le public : « Je dis souvent que si je pouvais, je ferais mes films gratuitement. Aucune somme d’argent n’achètera jamais le sentiment qu’on éprouve, assis parmi les spectateurs qui regardent un film dans lequel on a mis toute son âme, quand on sait qu’ils sont non seulement distraits, mais aussi nourris et émus ». Bien plus, Monsieur ELLIOT : Mary et Max s’impose comme une œuvre brillante à la noirceur aussi désopilante qu’émouvante, et une fable sur la différence des plus salutaire dans une société gangrénée par l’individualisme. En ayant recours au titre populaire Que Sera, Sera dans le cadre d’une séquence poignante -en parfait contrepoint avec le final euphorique de Mes Voisins les Yamada d’Isao TAKAHATA- ce bijou australien formellement irréprochable revigore et s’adresse avec habileté à l’intelligence du commun des mortels. En tout état de cause, il devrait fédérer au-delà du simple cercle d’initiés.

Gersende Bollut


Fiche technique


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Origine : Australie - Noir & Blanc et (un peu) couleurs - 1 h 32 mn.
- Production : Melanie COOMBS.
- Réalisateur et scénariste : Adam ELLIOT.
- Sortie DVD : indéterminée.
- Lien Internet : http://maryetmax.gaumont.fr

 

"Mary et Max s’impose comme une œuvre brillante à la noirceur aussi désopilante qu’émouvante, et une fable sur la différence des plus salutaire dans une société gangrénée par l’individualisme"