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La Mélodie du Bonheur



Il en va des oeuvres cinématographiques comme des couleurs : souvent, on en aime certaines plus que d'autres, mais on ne saurait se l'expliquer de façon rationnelle. Parfois aussi, certains films bouleversent carrément notre rapport au 7ème art, et plus globalement nous réconcilient même avec la Vie. Dans mon cas personnel, La Mélodie du Bonheur est de ceux-là.


UN TITRE TROMPEUR

Avant toute chose, je tiens à mettre en garde les personnes qui n'ont toujours pas vu cette oeuvre (honte sur eux) : ne vous fiez pas au titre ! Les traducteurs français sont souvent des plaisantins lorsqu'un long métrage traverse l'Atlantique... Et The Sound of Music n'a pas échappé à la règle en adoptant le titre cul-cul la praline et sirupeux de 'Mélodie du Bonheur'.

Cette remarque étant faite, il convient de résumer l'intrigue du film en deux mots. L'action se situe à Salzbourg, dans les années 1930. Maria, jeune religieuse un rien rebelle, devient gouvernante au service de la famille von Trapp (afin de réfléchir sur sa véritable vocation). Si les sept enfants sont au garde à vous devant leur militaire de père, c'est une toute autre histoire quand celui-ci est absent. Maria se retrouve donc avec une bande de garnements à apprivoiser ! Progressivement pourtant, sa gentillesse et sa spontanéité auront raison de l'hostilité des enfants, qu'elle initie au théâtre, à la musique, à l'éveil de la nature... Le capitaine von Trapp lui-même succombe au charme de la jeune fille. Tout irait pour le mieux si la guerre n'éclatait : la famille von Trapp devra s'expatrier pour échapper à l'impitoyable Régime du IIIème Reich...


L'HISTOIRE AU PREMIER PLAN

Envoûtant, charmeur et captivant, le film de Robert WISE est une invitation à la rêverie. Jamais l'envie de visiter l'Autriche n'a été aussi irrésistible, jamais les chants religieux n'ont eu autant d'ampleur au cinéma, et jamais quelques trois heures n'en auront paru à peine une petite...

Mais derrière une histoire en apparence simplette, l'Histoire avec un grand 'H' se profile et imprègne le film de façon latente. Basé sur une histoire vraie, le long métrage s'inspire de la vie mouvementée de Maria Von Trapp dont l'autobiographie, parue en 1949, racontait avec force détails l'exil et la vie de cette famille d'artistes (la véritable Maria Von Trapp fait d'ailleurs une discrète apparition dans le film). La romance et le traitement par moments quelque peu fleur bleue du récit ne doivent donc pas faire oublier que le film s'inscrit dans un contexte tout à fait particulier. Le parti-pris du long métrage est foncièrement réaliste, donnant, sur fond de montée du nazisme, un aperçu de l'Autriche d'avant-guerre et du choix auquel furent confrontés les autrichiens -et le reste de l'Europe- au début de la Seconde Guerre Mondiale. L'équivalent d'un Dictateur de CHAPLIN dans le registre de la comédie musicale ? Indéniablement.



Une religieuse aux coutumes pas très catholiques, sermonnée par une révérente Mère aux solutions de redressement peu orthodoxes (ah ah).

En fait, le milieu du spectacle flaire très vite l'intérêt lucratif du scénario, et dès 1956, l'histoire était adaptée à l'écran en Allemagne, sous le nom Die Familie Trapp. Puis Hollywood s'accapare rapidement les droits du récit, et par voie de conséquence la version musicale arrive à Broadway dès 1959, avec la patte inimitable de Richard RODGERS et Oscar HAMMERSTEIN II. Ce duo exceptionnel fait les grands soirs de Broadway depuis les années 40 et compte de nombreux succès, parmi lesquels Oklahoma ! (1943), South Pacific (49) ou l'illustre Le Roi et moi (51). Et La Mélodie du Bonheur représente leur dernière collaboration puisqu'Oscar décédera en août 1960, soit neuf mois seulement après le début des représentations. A noter que l'interprétation de Mary MARTIN, alias Maria (de 59 à 61), lui vaudra de remporter un Tony Award.

C'est finalement au milieu des années 60 que la comédie musicale fait le saut vers le grand écran. C'est Robert WISE, déjà responsable de West Side Story (61), qui s'y colle. Le reste appartient à l'Histoire -comme le veut l'expression-, avec un film fort de 5 Oscars et un triomphe mérité... Devenu un classique, son succès ne fut égalé qu'en 78 avec la sortie de Grease.


UN FILM MERVEILLEUX

Difficile pour moi de faire preuve d'impartialité face à une si grande oeuvre. Pourtant, très peu sensible d'ordinaire concernant le registre des comédies musicales (je dois le confesser), certaines oeuvres m'ont touché et enchanté, de Chantons Sous la Pluie à Hello Dolly !, en passant par Mary Poppins... et cette magistrale Mélodie du Bonheur. Ça n'était donc pas gagné d'avance lors de la toute première projection -autant dire que ça date de Mathusalem, au vu des soirées régulières que je m'organise !

Mais de façon indiscutable, les chansons sont TOUTES magnifiques et très entraînantes, et bien de mauvaise foi sera celui qui y trouvera à redire. "Do-Ré-Mi", "Maria", "Mes joies quotidiennes" ou "Edelweiss" alternent avec brio refrains gais et airs émouvants *. A ce titre il paraît aberrant que le CD de la B.O. ne soit disponible qu'en version originale (alors que l'on trouve sans peine les bandes originales de films aussi anecdotiques que les Demoiselles de Rochefort ou Jeanne et un garçon formidable). La logique du marché semble parfois impénétrable.


L'ANCÊTRE DES BLOCKBUSTERS

Tourné après le monstrueux Cléopâtre -au budget phénoménal mais à l'échec en salles cuisant comme tout le monde le sait-, La Mélodie du Bonheur est LE film-messie qui sauva la Fox d'une faillite certaine. En quelque sorte l'ancêtre des blockbusters, cette joyeuse Mélodie fit un triomphe sans précédent, consacrant définitivement l'actrice Julie ANDREWS, déjà appréciée dans Mary Poppins quelques années auparavant. Autrement dit, et en extrapolant un tantinet, les Simpson, Futurama et autres Age de Glace (pour rester cantonner dans le cinéma d'animation) n'auraient probablement jamais vu le jour sans la famille von Trapp ! On est peu de choses, en fin de compte...

La Mélodie du Bonheur n'est donc pas qu'un simple divertissement populaire où des autrichiens en costume folklorique kitsch chantent à tue-tête, c'est aussi et surtout une oeuvre aboutie, qui apprend à relativiser les soucis et tracas quotidiens, donne une joie de vivre perpétuelle, et (de façon plus terre-à-terre) a su réconcilier, en son temps, le cinéma hollywoodien avec le grand spectacle de qualité. Définitivement l'une des plus belles déclarations d'amour de l'Histoire du Cinéma pour son public.

Gersende Bollut



* Principales chansons (titres V.O.)

- The Sound of Music
- Maria
- My Favorite Thing
- Do Re Mi
- Sixteen Going on Seventeen
- The Lonely Goatherd
- How Can Love Survive ?

- So Long, Farewell
- Climb Ev'ry Mountain
- No Way to Stop It
- An Ordinary Couple
- Processional
- Edelweiss


Fiche technique

- Titre original : The Sound of Music.
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Origine : Etats-Unis - Couleurs - 3 h.
- Date d'arrivée en France : 1965.
- Production : 20th Century Fox / Argyle Enterprises.
- Réalisateur : Robert WISE.
- Scénario : Ernest LEHMAN.
- Casting : Julie ANDREWS, Christopher PLUMMER, Richard HAYDN, Eleanor PARKER, Peggy WOOD...
- Musique : Richard RODGERS et Oscar HAMMERSTEIN II.
- Box-Office France : NC.
- Sortie DVD : 09 janvier 2002.
- B.O.: The Sound of Music, Soundtrack, 35th anniversary Ed. (BMG/RCA).
- Lien Internet : http://www.foxhome.com/soundofmusic/som.html

 

"Jamais l'envie de visiter l'Autriche n'a été aussi irrésistible, jamais les chants religieux n'ont eu autant d'ampleur au cinéma, et jamais quelques trois heures n'en auront paru à peine une petite"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 







"Le parti-pris du long métrage est foncièrement réaliste, donnant, sur fond de montée du nazisme, un aperçu de l'Autriche d'avant-guerre et du choix auquel furent confrontés les autrichiens -et le reste de l'Europe- au début de la Seconde Guerre Mondiale"