Metropolis
Imaginez
une ville futuriste divisée en 2 classes : l'élite dirigeante du Parti
casernée dans un gigantesque gratte-ciel du nom de Ziggurat et la masse
rassemblant la classe ouvrière et les robots condamnés à errer dans
un monde souterrain. Cette cité homonyme au film se nomme Metropolis.
D'aucuns se rappelleront le film réalisé en 1926 par Fritz LANG dont
la trame principale se trouve calquée par la superproduction de RINTARO.
UNE
RÉALISATION TECHNIQUE ALLÉCHANTE
Un
détective nommé Shunsaku Ban et son neveu Kenichi issus du Japon enquêtent
sur un trafic d'organes humains qui va les mener à Metropolis, vers
une toute jeune androïde, forme hybride d'humain et de robot destinée
à prendre le pouvoir non seulement de Ziggurat mais aussi du monde.
Avec un tel synopsis aussi futuriste soit-il, on pouvait s'attendre
à une intrigue ankylosée par des rebondissements compliqués ou par de
longs monologues soporifiques dont usent à outrance les scénaristes
pour mieux asseoir la prétendue crédibilité de leur œuvre, toutefois
il n'en est rien tant le réalisateur semble nier cet alléchant background
au profit d'un déluge exagéré de scènes d'action et par la recherche
omniprésente d'un esthétisme sur tous les plans. Les personnages animés
par une 2D classique ont en effet été superposés à des décors
entièrement réalisés en images de synthèse (3D), une technique nous
offrant ainsi plusieurs plans vertigineux et un catalogue de tableaux
dantesques fleurant parfois le photoréalisme. Au delà de cette innovation
technique ou exploit artistique c'est selon, RINTARO s'est plu à conjuguer
le gigantisme poussiéreux des productions hollywoodiennes estampillées
Cecil B. de MILLE à la spontanéité de l'animation japonaise tout en
y ajoutant une délicieuse touche rétro sous la forme de musique jazzy.
DES
SYMBOLES MAIS RIEN DERRIÈRE
Cette
recette ne se suffit hélas pas à elle-même si elle n'est pas correctement
exploitée. En l'occurrence, dès le départ, le film se révèle rebutant.
La faute à une intrigue qui met un certain temps à démarrer puis s'embrouille
sans jamais parvenir à captiver un tant soit peu le spectateur. Pourtant
non dénué de symboles forts comme des références au fascisme, à la lutte
des classes ou à la dérive actuelle des recherches scientifiques sur
le génome humain, le scénario paraît relégué au second plan, au profit
de scènes d'action multipliées à outrance pour mieux démontrer le savoir-faire
des graphistes. Ce parti-pris de RINTARO, typiquement hollywoodien,
est assez pesant et s'avère contestable dans la mesure où l'œuvre
homonyme de Fritz LANG fait figure ici de lourd héritage dont il serait
ingrat de dénaturer la puissance scénaristique [ND Pierre, rédac
chef : En même temps, je ne vois pas quel aurait été
l'intérêt de répéter ce que disait le film
de Lang, dont la fin ridiculement naïve et idéaliste a d'ailleurs
été reniée par le cinéaste...].
En
l'occurrence, l'intrigue se contente de surfer sur la vague kitsch ambiante
sous couvert d'une remise au goût du jour bien maladroite des nombreuses
références inhérentes à l'œuvre de Fritz LANG. Tout d'abord le fascisme,
dont l'icône n'est autre que Le Parti, organe aussi abstrait qu'un trou
noir avec à sa tête un dictateur, vieux bonhomme au charisme réfrigéré
qui ne parvient même pas à nous faire rire. Bref, on se demande bien
où se trouve le "totalitaire" là-dedans. Ensuite, parlons de la lutte
des classes, notion pourtant centrale mais qui souffre néanmoins d'un
traitement à la limite de l'anecdotique. Quelques passages : banderoles
hissées, pancartes brandies et poings levés, cris de révoltes qui finissent
rapidement par s'étouffer sous la répression des sbires du tyran. RINTARO
n'y a visiblement pas mis tout son cœur et ses tripes, ça se sent. Peut-être
objecterait-il qu'il n'y a pas lieu de (trop) remuer les vieilles idéologies
qui dorment ? En tout cas, on ne peut reprocher au spectateur moyen
de ne capter que les artifices somptuaires des graphismes de Metropolis
et rien d'autre car il n'y a justement rien d'autre que cette animation
flamboyante vide de sens. Si. Peut-être les références à la bioéthique.
Dans le lot, la belle androïde est bien la seule qui réussit à éveiller
notre curiosité. Jusqu'à un certain point.
L'APPARENCE
D'UN MANGA ET SEULEMENT L'APPARENCE
Bref
on attendait au moins de Metropolis des personnages attachants et fouillés.
Mais là encore, le constat est décevant.
Peu
étoffés, ils manifestent des motivations ambiguës et ne réussissent
pas à rallier le spectateur à leur cause, ce qui s'avère immédiatement
paradoxal pour un manga. Quel est le véritable dessein du fils adoptif
du dictateur ? Qui se cache vraiment derrière ce pauvre abruti qui veut
faire sauter la planète ? A force de trop laisser de questions en suspens,
Metropolis ne convainc plus. Même le héros principal et son oncle détective
paraissent trop lisses. Du coup, le film s'enfonce dans une inextricable
fadeur. L'ennui guette devant cette avalanche d'images peut-être trop
esthétiques qui nous abreuvent d'une inutile grandiloquence. Heureusement,
certaines scènes (notamment celle où le neveu du détective fait connaissance
avec l'androïde) distillent quelque parcelle d'humanité… humanité recherchée
instinctivement par le spectateur mais manquant cruellement à une œuvre
qui pourtant en fait l'éloge ! Reste le final, apothéose apocalyptique
quasi-hypnotique qui prouve finalement que RINTARO n'a pas tout loupé
[ND Pierre : Très proche du monstrueux dénouement techno-organique
d'Akira -Otomo est le scénariste de Metropolis- et des scènes
de destruction des précédents films de Rintaro -notamment
X-, ce final est précisément l'aspect le moins original
du film !]. Car derrière cette profusion de tableaux clinquants tant
ovationnés par James CAMERON, Metropolis manque singulièrement d'âme.
Une grosse déception.
Tony Fortin
Fiche d'identité
- Origine : Japon - Couleurs - 1 h 47 min.
- Date de sortie France : 5 juin 2002.
- Production : Metropolis Commitee, Madhouse
et Tezuka Productions.
- Réalisateur : RINTARO.
- Scénario : Katsuhiro ÔTOMO, d'après l'oeuvre
de Osamu TEZUKA.
- Doublage VO : Yuka IMOTO (Tima), Kei
KOBAYASHI (Kenichi), Kohki OKADA (Rock), Taro ISHIDA (le Duke), Red
Kousei TOMITA (Shunsaku ban).
- Musique : Toshiyuki HONDA.
- Box-Office France : 119.259 entrées.
- Sortie DVD : 6 décembre 2002.
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Lien Internet :
http://www.columbiatristar.fr/k/metropolis
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"L'intrigue
se contente de surfer sur la vague kitsch ambiante sous couvert d'une
remise au goût du jour bien maladroite des nombreuses références inhérentes
à l'œuvre de Fritz LANG"
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