Psychanalyse
des dessins animés
Genre
: Ouvrage scientifique
De Geneviève DJÉNATI
édition l'Archipel
Note : 3/5
Attention, livre pour public averti.
Si vous souhaitez découvrir des anecdotes amusantes sur le cinéma d'animation,
passez votre chemin... à l'inverse, pour posséder quelques références
psychanalytiques bienvenues sur notre domaine de prédilection (qui a
dit "les cosaques irlandais" ?), cet ouvrage vous est tout destiné.
Il ne s'agit pas d'un outil de vulgarisation à proprement parler,
mais d'une mine d'informations qui saura vous donner d'habiles pistes
de réflexions...
Hautement instructif.
Au
fil de quelques 200 pages, Geneviève DJÉNATI (qui maîtrise
son sujet puisqu'elle est psychologue clinicienne et psychothérapeute)
aborde de fait tous les aspects structurants du dessin animé,
volontairement sans distinction de format -télévision
et cinéma sont amalgamés. Est ainsi expliqué le
côté fondamentalement néfaste de la vidéo
comme substitut parental... lorsque ceux-ci s'absentent et croient salutaire
de confier leurs bambins à la télévision, où
le meilleur côtoie souvent le pire. Sur ce dernier point, les
arguments de Mme DJÉNATI sont cependant déplorables (en gros
tout ce qui est d'origine japonaise est déconseillé -Dragon
Ball Z et Digimon fictions abrutissantes, le Tombeau des Lucioles éminemment
traumatisant).
En
réalité, voici un ouvrage davantage réservé
aux jeunes parents ou aux curieux désireux d'en savoir plus sur
l'influence structurante des D.A. sur leurs affects personnels, plutôt
qu'aux jeunes adultes fous furieux de cinéma d'animation qui
ne jurent que par Leiji MATSUMOTO ou Bill PLYMPTON. Aussi scientifique
et pointue soit-elle, cette analyse n'en reste pas moins superficielle
dans ses parti-pris (les productions Walt Disney constituent le gros
du lot). Destiné à une meilleure appréhension/compréhension
du traitement psychanalytique qui peut être fait de productions
animées pas si futiles et innocentes que ça, ce traité
a de toutes façons le mérite d'afficher la couleur dans
son titre.
Ce
qui ne manquera pas d'occasionner dans votre entourage des réflexions
telles que "ah bon, je savais pas que les dessins animés
pouvaient se prêter à la psychanalyse" accompagnées
d'un sourire faussement complice et dédaigneux (à la fois
preuve d'une ignorance touchante et d'une opinion tenace des plus horripilante
-c'est du vécu !). Rien que pour cela il convient de saluer l'entreprise
de Mme DJÉNATI, qui mène avec une rigueur scientifique des plus
sérieuse une analyse pointue et explicitée de tous les
aspects du sujet auquel elle s'attache. On oubliera donc les quelques
inexactitudes et lieux communs sur la japanimation. Dans ce domaine,
crédibilité et reconnaissance restent encore en chantier...
Extrait
:
"Depuis
plusieurs années, tous les films, y compris les dessins animés,
ont supprimé le mot fin. Le moment venu, la musique "monte"
et un générique défile, mentionnant les caractéristiques
artistiques et techniques de la production. Ce procédé
peut s'interpréter comme une difficulté à renoncer
à l'illusion, à repasser de l'imaginaire à la réalité.
On pourrait y voir aussi la difficulté des adultes (puisque ce
sont eux qui font les films) à mettre une limite qui attesterait
de la capacité à supporter la frustration. Les séries
(Toy Story 2, le Roi Lion 2, Bernard et Bianca au
pays des kangourous...) sont un bon stratagème pour faire
revivre le héros indéfiniment.
L'image
porte en elle l'éphémère. Roland BARTHES, dans
La Chambre Claire, pose le concept de "ce qui a été".
L'image fixe n'est déjà plus et dans l'image mouvante
se succèdent des images qui ont été, sont mortes
mais conditionnent la vie et le sens des images suivantes. C'est donc
dans son processus même que le film -le dessin animé n'y
échappe pas- est soumis au concept de mort (...).
Il en va autrement des séries télévisées,
dont la diffusion en brèves aventures séparées
peut se poursuivre ad libitum. L'enfant attend le prochain épisode.
Mais si, pour les besoins de la programmation, la série doit
s'interrompre, il est préférable de l'en avertir afin
qu'il s'y prépare.
Le magnétoscope
prend le relais, joue un rôle consolateur, anti-deuil, l'enfant
pouvant revoir indéfiniment le film ou le passage préféré.
L'effet rassurant du répétitif comporte néanmoins
l'inconvénient de maintenir l'illusion de l'éternel présent.
Or, depuis sa venue au monde, l'enfant est périodiquement soumis
à l'épreuve de la séparation : la naissance, le
sevrage, la marche, la mise éventuelle en nourrice, le jardin
d'enfants, l'école. Il convient de lui faire admettre ce qui
a priori lui coûte. Le plaisir de retrouver des moments
appréciés nécessite la capacité à
s'en séparer. C'est encore une fois à l'adulte d'intervenir,
qui favorisera l'abandon du petit écran pour un loisir privilégiant
la relation plutôt que le repli sur soi".
Gersende Bollut
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"L'intérêt
du dessin animé consiste à réunir sur un même
support une technologie avancée inacessible à l'enfant,
dont l'étrangeté le fascine, et un matériel qui
fait partie de son quotidien : le dessin ou la pâte à modeler.
Le dessin animé est proche du rêve et proche du jeu"
Geneviève
Djénati
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