Sommaire

Robocop



Detroit, au XXIème siècle. L'OCP (Omni Consumer Products), une multinationale, contrôle la police, qui doit faire face à une criminalité qui gangrène la ville de façon de plus en plus inquiétante. Deux conceptions s'opposent au sein de la compagnie : celle de Jones, qui a conçu le ED 209, une machine de guerre destinée à court terme à remplacer les policiers, et celle de Morton, partisan pour sa part du programme Robocop, mi-homme, ni-robot. Après un incident fâcheux lors de la démonstration de l'ED 209 (Kinney, un exécutif de la compagnie, est tué froidement), c'est le projet Robocop qui est retenu et Murphy, une jeune recrue de la police assassinée par des truands sans scrupules, est désigné pour l'incarner...

C'est sur ce postulat de base que démarre Robocop, un des films les plus crépusculaires de Paul VERHOEVEN. A l'occasion de sa récente édition DVD collector (un coffret bourré de suppléments hautement recommandables), Frames tenait à revenir un instant sur cette oeuvre majeure du cinéma des années 80.

Constat froid et cynique d'une société à la dérive, et projection dans le futur hallucinante, Robocop vaut surtout pour ses scènes de violence parfois insoutenables, qui instaurent un climat de malaise tout le long du film. Mettant à mal le spectateur, le film remet aussi (et surtout) en cause bien des certitudes. A commencer par l'imbécile rigidité du système légal, qui n'autorisera Robocop à tuer le responsable de tous ses maux qu'à la toute fin du film, une fois celui-ci viré (une simple phrase prononcée par son supérieur suffira). La loi mettrait à l'abri de toute arrestation ? Une impunité révoltante pour un film hautement politisé. Là repose d'ailleurs toute la dialectique du film : le réalisateur lance une virulente critique contre la société de consommation et le pouvoir des médias. Peter WELLER, alias l'agent Murphy/Robocop, parle du film comme "d'une véritable allégorie. L'idée de transformation, de rédemption, de métaphore religieuse irrigue le premier épisode, sans parler de la dimension satirique de la société de consommation, du corporatisme et de la course au nucléaire que Paul VERHOEVEN a apporté". Depuis, la filmographie du réalisateur ne manque pas de soulever des réactions parfois hostiles (Starship Troopers, Hollow Man). La preuve que Robocop ne faisait qu'annoncer une carrière de cinéaste pour le moins controversé.


INVULNERABILITE FACTICE

Vraie claque dans la tronche avec ses multiples scènes d'une violence extrême, Robocop prône en effet un discours moralisateur qui veut que le crime ne paie pas. Du côté de la loi, et a fortiori de la justice, le cyborg Robocop, surarmé et quasiment invincible, sera finalement rattrapé par les bribes de souvenirs de feu Murphy. Des souvenirs traumatisants des conditions de son décès où des truands, menés par un certain Clarence Bodiker, avaient volontairement fait durer le plaisir en le faisant souffrir (le criblant de balles). Dès lors que les visages de ses meurtriers lui reviennent à l'esprit -ou plutôt à son programme informatique-, sa seule quête sera de se venger, faisant ainsi d'une pierre deux coups (vengeance personnelle sans entraver la loi).

Avec Robocop, Paul VERHOEVEN réalisa à la fin des années 80 un film qui marquera toute une génération de cinéphiles. Subversif et totalement à contre-courant de la morale hollywoodienne bien-pensante, Robocop engendrera deux suites (le deuxième opus est très intéressant et bien mené -avec des scènes d'un sadisme inégalé-, mais il est inutile de revenir sur le troisième !). Si les conditions de tournage sont pour le moins chaotiques, et ce pour les trois épisodes, évoquons surtout la "légende" Robocop, et ce qui fait son aura. Produit des studios Orion (avec Terminator), la licence Robocop sera épuisée rapidement par ses deux séquelles bâclées. Si aujourd'hui Orion a définitivement mis la clef sous la porte, ils ne sont donc que seuls responsables de leur déliquescence.

Ce robot, fait de chair et d'acier, indestructible et justicier jusqu'au-boutiste, est une incroyable machine de guerre qui fascine bien des cinéphiles, du moins ceux qui ont gardé une âme d'enfant. Trônant fièrement aux côtés d'un Indiana Jones, d'un Superman ou d'un James Bond, Robocop perpétue la tradition héroïque des grands justiciers de l'ombre, et incarne le flic froid et implacable, incorruptible et résigné ; une sorte d'Inspecteur Harry du futur. Si sa conception du respect de l'autorité est tout aussi contestable (il ne faut pas lui dire deux fois de sortir son arme), son aspect très Demolition Man couplé à Judge Dredd -en plus charismatique- en fait un des héros les plus attachants de toute l'histoire du Cinéma. Mais son côté torturé permet également une comparaison avec l'homme chauve-souris le plus célèbre de Gotham : Batman. La vengeance, en l'occurrence, est un plat qui se mange chaud, voire brûlant. Adepte d'une justice expéditive, il ne fait pas dans le détail, et vole dès qu'il peut au secours de la veuve et l'orphelin.



Meurtri dans sa chair et blessé au niveau moral (il ne trouvera les informations qui l'intéresseront que par sa propre initiative), Robocop n'est finalement pas si éloigné de nous : on rêve tous de faire régner l'ordre, de manier des armes à la pointe de la technologie et d'éliminer toute la racaille de cette planète. Mais, et c'est la condition de l'Homme, c'est notre vulnérabilité qui nous rend si attachant et unique, conscient que nous sommes de notre état passager.

Robocop est donc la contradiction personnifiée : il est ce que l'on désire être (surpuissant et justicier dans l'âme), mais aussi ce que l'on ne veut pas devenir (un métal froid et sans émotions, sans âme, manipulé). Un héros désenchanté pour une oeuvre cinématographique noire, cruelle, éprouvante pour les nerfs du spectateur. En somme, un héros comme nous : à fleur de peau.

Gersende Bollut


Fiche technique

- Origine : Etats-Unis - Couleurs - 1 h 42 minutes.
- Date d'arrivée en France : janvier 1988.
- Production : Jon DAVISON et Arne SCHMIDT.
- Réalisateur : Paul VERHOEVEN.
- Scénario : Edward NEUMEIER et Michael MINER.
- Casting : Peter WELLER, Nancy ALLEN, Ronny COX, Kurtwood SMITH...
- Musique : Basil POLEDOURIS.
- Box-Office France : 1.686.525 entrées.
- Sortie DVD : 06 mars 2002 (coffret uniquement).
- Lien Internet : http://membres.lycos.fr/sfstory/films/verhoeven.html

 

"Un mélange détonant et fort réussi d'action pure et de peinture décapante de la société américaine"

in Dictionnaire Mondial des Films Larousse