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Shrek


Définitivement moins marrant que Toy Story 2, Shrek est néanmoins un film à marquer d'une pierre blanche dans l'Histoire du Cinéma d'Animation. D'une part parce que (et c'est une bonne nouvelle) ce long métrage, qui était le dernier espoir de la branche Animation des studios DreamWorks, ne verra pas lesdits studios mettre la clef sous la porte avant un bon moment, vu les recettes engendrées par l'ogre vert ; mais d'autre part -et c'est sur ce point que nous allons revenir-, parce que la prouesse technologique va bien au-delà d'une simple réussite d'ordre purement esthétique.

La restitution du grain de peau verdâtre du charismatique Shrek est certes époustouflante (et le DVD dispo depuis peu dans les bacs le retranscrit avec une précision sans faille), mais entendons-nous bien : sans être le film d'animation ultime, loin s'en faut, il faut quand même rendre à Shrek les honneurs qu'il mérite.

A sa première projection dans les salles obscures, en août 2001, je m'étais attardé sur l'aspect réaliste porté aux personnages (notamment la princesse Fiona). Pour autant j'étais réceptif à l'histoire et à l'univers créés, et sur ce point je ne cachais pas ma déception. Même s'il y a de bons moments de drôlerie (la chanson finale, quelques bons mots -quoiqu'un peu en-dessous de la ceinture-, ou encore les trop rares interventions de Pinocchio à la voix irrésistible -il faut le voir implorer son géniteur Gepetto, afin de ne pas le bazarder sur le marché !), dans l'ensemble il règne trop souvent une atmosphère consensuelle qui détonne avec le ton " politiquement incorrect " revendiqué par les auteurs. Pourtant, six mois après, à l'occasion de la sortie en DVD, force est d'admettre qu'on peut regarder le film avec un abord tout autre.

R
ésolument plus mature que la moyenne de la production cinématographique actuelle (si l'on excepte les blagues " rots-pets " destinées aux pré-ados), Shrek dispose d'un scénario suffisamment bien huilé et imaginatif pour se laisser regarder plusieurs fois, ce qui n'était pas vraiment le cas du Toy Story original (trame narrative trop linéaire et sans pistes secondaires, qui n'apportent plus grand-chose lors d'un second visionnage). Revoir l'âne se dépêtrer d'une dragonne un peu trop amourachée de lui, ou Shrek préparer son repas peu orthodoxe à la lueur d'une bougie de cérumen, on ne voit pas cela tous les jours dans une production de cette envergure, américaine qui plus est !


QU'EST-CE QU'IL RACONTE ? SHREK, UN FILM PARFAIT ?!



Pour apporter un léger bémol à tout ce flot d'enthousiasme, on regrettera quand même une morale finale limite insupportable ("je ne comprends pas, je suis moche !", "mais non, tu es belle… à mes yeux" -pitié, n'en jetez plus !), et des détournements dorénavant lourdingues (la scène bullet time avec Fiona, façon Matrix, a été vue et revue)… Mais ceci n'entache que très légèrement un film d'animation globalement satisfaisant. Car surtout, Shrek offre un regard plus ambitieux sur le monde de l'Animation, comme en atteste le soin tout particulier apporté à l'édition DVD. Là où les suppléments du Géant de fer ou de Kuzco (pourtant deux excellents films) prenaient les consommateurs pour des abrutis -pour rester poli-, ceux de Shrek ont l'intelligence de viser juste, et de se donner les moyens d'être à la hauteur d'un cinéma qui aspire à une reconnaissance méritée. Avec (entre autres) un commentaire audio littéralement passionnant, une scène spécialement créée pour l'occasion, et la possibilité de redoubler soi-même certaines scènes par le biais du DVD-Rom. Voici assurément un DVD qui sait faire preuve de la pertinence qui manquait aux galettes numériques des longs métrages de Brad BIRD et Nik RANIERI… Sans porter non plus aux nues ce film, il faut quand même reconnaître que ce Shrek est sinon assez abouti, du moins d'une rigueur scénaristique remarquable. Aucun temps mort et des dialogues qui font mouche, Shrek réussit à rendre parfaitement limpide une histoire pourtant bien tarabiscotée et passablement frappadingue…

Croire donc qu'il s'agit d'un film "simple" (ou d'un "simple" film, rétorqueront les esprits boudeurs) relève d'une grossière erreur. Preuve est faite avec ce long métrage que les studios américains prennent conscience de l'existence d'un public adulte. Finies par exemple les chansons niaises, pour laisser place à des mélodies suaves très agréables (voir l'Alléluia qui accompagne la préparation de la cérémonie, en montage alterné avec un Shrek désabusé). S'apprêtant à amorcer une transition vers une maturité des plus souhaitables, Shrek (dont une suite est déjà entrée en production), à mille lieux des Razmokets à Paris et autres Petit grille-pain courageux de pacotille, est donc une vraie bouffée d'oxygène. D'autant que Pixar, avec son Toy Story 2, aussi génial soit-il, ne peut -sur le long terme- qu'être rongé de l'intérieur, plombé par cette idéologie disneyenne ronflante (Monstres & Cie débarquant en mars, on jugera sur pièces…). En tout état de cause, après un Fourmiz réussi mais avec un arrière-goût de plagiat (1001 Pattes, beau joueur, ne lui en a pas tenu rigueur !), et une Route d'El Dorado amusante mais pas révolutionnaire, Shrek est donc arrivé à point nommé pour rehausser le niveau des productions DreamWorks, réalisant un carton plein de par le monde. Pas le sans-faute donc, mais loin d'être un zéro pointé non plus, comme certains esprits chagrins voudraient le faire croire…

Gersende Bollut



Fiche technique

- Origine : Etats-Unis - Couleurs - 1 h 30 min.
- Date de sortie France : 4 juillet 2001.
- Production : DreamWorks / Universal Pictures.
- Réalisateurs : Andrew ADAMSON et Vicky JENSON.
- Scénario : Ted ELLIOTT et Terry ROSSIO, d'après le livre de William STEIG.
- Doublage VO/VF : Mike MYERS/Alain CHABAT, Eddie MURPHY/Med HONDO et Cameron DIAZ/Barbara TISSIER.
- Musique : Harry GREGSON-WILLIAMS et John POWELL.
- Box-office France : 4.059.556 entrées.
- Sortie DVD : 29 janvier 2002.
- Lien Internet : www.dreamworks.com

 

"C'est un travail de pionnier car c'est seulement le cinquième long métrage en synthèse de l'histoire du cinéma. C'est encore très nouveau et balbutiant. Imaginez que ce soit le cinquième film parlant de l'histoire du cinéma : ce n'est encore pas grand-chose par rapport à ce que l'on verra les prochaines années"

Guillaume Aretos,
directeur artistique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Sans vouloir critiquer les studios Disney, on sait à quoi s'attendre en allant voir l'un de leurs dessins animés. J'aimerais que ce ne soit pas le cas en allant voir les nôtres"

Jeffrey Katzenberg,
producteur