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Soudain
l'été dernier
Adapté d'un fameux roman du non moins fameux Tennessee WILLIAMS, Soudain l'été dernier est plus qu'un simple drame ou un film noir typique de la fin des années 50. Tourmenté et tourmentant le spectateur (curieux de connaître la vérité), ce long métrage de Joseph L. MANKIESWICZ, où excellent Elizabeth TAYLOR et Montgomery CLIFT, est une véritable expérience cinématographique dont on ne ressort pas indemne. Drame psychologique, Soudain l'été dernier n'a pas en commun avec Freud passions secrètes (John HUSTON, 1962) que la présence charismatique de Montgomery CLIFT. Il reprend en effet lui aussi à son compte les thèmes psychanalytiques chers à Freud : amener le patient à ne pas/plus refouler ses peurs et idées trop dures à assumer, par une formulation dans le domaine conscient. Sans hypnose ni poudre magique... L'histoire débute par la présentation d'une femme richissime, Violet Venable (K. HEPBURN), qui demande au Docteur Curkowicz (M. CLIFT) de venir examiner sa jeune nièce, Catherine (E. TAYLOR), devenue folle à la suite de la mort mystérieuse de son fils Sébastian l'été précédant, en Europe. Pratiquant, de façon encore expérimentale, la lobotomie, le jeune médecin est donc vivement appellé à s'exécuter sur Catherine... Mais celui-ci trouve alors Catherine saine d'esprit... sauf lorsque l'on aborde le sujet de la mort de Sébastian. Et la vérité éclate bientôt. Sébastian était homosexuel et se servait de sa mère, puis de sa cousine, comme appât pour satisfaire ses goûts particuliers. Catherine assista ainsi à sa mort horrible lors de leurs dernières vacances. Les raisons sont donc peu à peu dévoilées, et l'empressement de la mère pour tenter de mener à son terme l'opération -une intervention chirurgicale sans rédemption possible- ne fera qu'aider le docteur à guérir la jeune femme par d'autres moyens (il aura ainsi recours à la méthode freudienne, donc). Le personnage finalement central, Sébastian, n'est étonnamment jamais présent à l'écran. Tout juste voit-on son buste et son dos à l'occasion des flash-backs finaux, esquissés comme une silhouette furtive, son visage restant une énigme pour le spectateur, au même titre que les raisons de sa disparition pour le Dr Curkowicz. De toutes manières, connaître son visage ou pas, là n'est pas vraiment la question. Car Sébastian, jeune fils d'une richissime propriétaire, est avant tout la préoccupation première du film au point de vue des enjeux dramatiques. Trouver les raisons de son décès, ce fameux été dernier, est le but du film. Celui-ci est défini tout le long comme un poète maudit ("Sa vie est une oeuvre, son oeuvre est sa vie")... Et, selon la mère, portant encore péniblement le deuil de son fils chéri, sa nièce Catherine souffrirait de "démence précoce" (selon ses propres termes, ceci étant une aberration d'un point de vue psychanalytique). Le Dr. Curkowicz va donc tâcher d'en savoir davantage... avant de découvrir la fameuse vérité. Trop insupportable à accepter pour la mère. Mais bien des ramifications secondaires s'y rattachent, rendant ce long métrage particulièrement intéressant. Au-delà d'une enquête presque policière, on assiste à un exemple parfait de complexe d'Oedipe non résolu entre une mère et son fils ("On disait toujours Violet et Sébastian, jamais Sébastian et sa mère, ou Violet et son fils"). Cette pression de la même Violet pour effacer la mémoire de la jeune fille par le biais d'une lobotomie (étant selon elle la coupable toute désignée) résulte de ce cordon ombilical non coupé, avec un pouvoir de séduction qu'elle n'aurait jamais voulu perdre, aux yeux de son fils. Surtout au détriment d'autres personnes du même sexe. Elle laissera même son époux mourir profondément chagriné, car délaissé par sa femme. Ce qui étonne aussi dans ce film est le rapport médecin-patient totalement atypique, qui pourrait être rapproché de la relation Gregory PECK - Ingrid BERGMAN de la Maison du Dr. Edwardes (Alfred HITCHCOCK, 1945), où la même méthode peu orthodoxe était exercée (mise à l'écart de la patiente pour qu'elle n'ait pas conscience de son statut de malade, rebellion du docteur avec l'autorité médicale...). Ici, comme dans tout film de MANKIEWICZ (La Comtesse aux pieds nus, Blanches Colombes et Vilains Messieurs, Cléopâtre...), tout s'ordonne autour de la parole qui crée littéralement le monde et le façonne (et donc par là-même la mise en scène). Très bavard en regard de productions plus contemporaines, ce long métrage évite cependant l'écueil de la trop grande démonstration purement descriptive, pour au contraire brouiller les pistes de toutes les données du drame, et mettre en valeur d'intenses moments d'émotion. La présumée coupable est en fin de compte la victime, la mère victime est coupable de son entêtement (thème similaire dans Planète Interdite de Fred M. WILCOX, 1956), et tout cela provoque chez Catherine un aveuglement étourdissant, rendu à l'écran par un blanc écarlate saisissant, preuve tangible d'un contraste entre ce qui est faux, ce qui est vrai, ce que l'on refuse de voir, et ce qui doit être dit... La Vérité, thème éternel, au cinéma comme ailleurs, et déjà présent chez Platon dans le célèbre Mythe de la Caverne. Soudain
l'été dernier est donc un titre trompeur, au même
titre que les impressions premières que suscitent les personnages.
La disparition de ce fils n'est que l'aboutissement d'un étouffement
moral et physique, d'un mal de vivre évident, d'un pathos mère/fils
non réglé, d'un secret trop lourd à porter (l'homosexualité
n'est alors pas un sujet accepté par la morale !), et donc d'un
problème devenu cornélien de "cerveaux malades".
La soudaineté induite dans le titre n'est donc pas de mise, et
le film tout entier nous renvoie à nos propres certitudes, à
nos propres situations, à notre affect. On
est en présence d'un grand cru "Tennessee WILLIAMS".
De La Ménagerie de verre à La Descente d'Orphée, du mythique
La Chatte sur un toit brûlant à La Nuit de l'iguane, l'écrivain
a toujours traité les déchirements entre l'âme et la chair, n'ayant
de cesse de les fouiller, de les mettre en scène, sans jamais pourtant
arriver à les exorciser. Si Baudelaire, poète alchimiste, s'est vanté
d'avoir pris de la boue pour en faire de l'or, WILLIAMS, lui, a montré
que non seulement l'or était toujours fait de boue, mais que cette boue
est ce qu'il y a de plus attachant dans l'être humain. La même
boue que Violet Venable aurait tant aimé ôter du cerveau
de Catherine...
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"Un
drame de la parole dans le décor artificiel d'un jardin sauvage
reconstitué in vitro, avec ses plantes vénéneuses
et son ambiance de serre chaude, transposition étouffante des esprits
malades de la tante, de la nièce et plus encore du fils mort" Stéphan Krezinski
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