Vincent
Tim
BURTON est depuis longtemps considéré comme un grand réalisateur. Dans
Vincent, l'on trouvait déjà tout son style et son imaginaire
à la fois sombre et féérique. Ce court-métrage d'animation
montre tout le génie du cinéaste-auteur-dessinateur (c'était
pourtant sa première œuvre !), ce qui n'empêchera pas Disney
d'enterrer le projet. Et en voyant le caractère du film en comparaison
de ceux du studio de la souris aux grandes oreilles, on peut comprendre
pourquoi...
CONTEXTE
DE PRODUCTION
Au
départ, Vincent devait être l'objet d'un livre pour enfants. Tim
BURTON travaille alors aux studios Disney : un peu frustré par
le caractère gentillet des films sur lesquels il travaille (Rox et Rouky),
il a néanmoins l'opportunité de le réaliser dans les célèbres
studios de ce cher Mickey.
Il
décide alors de tourner le film en stop-motion -image par image-,
dans le plus pur style de l'expressionnisme allemand auquel il rend
hommage (sujet sombre, lumière très expressive, mais aussi bien sûr
le noir et blanc). On sent également son inspiration à
bien d'autres niveaux :
- Edgar Allan POE. L'écrivain est
l'auteur préféré du personnage Vincent. A noter que celui-ci est puni
pour avoir déterré le jardin de sa mère, chose qui lui a été
inspirée par un récit de l'auteur. A la fin, Vincent cite en
outre les derniers vers du Corbeau, poème le plus célèbre de
l'écrivain américain.
- Les livres pour enfants du Dr Seuss
(duquel il s'est inspiré sur l'Etrange Noël de Monsieur Jack).
Les histoires de cet auteur sont connues pour mêler l'absurde
au poétique... à l'image de ce dessin animé.
- Les films d'horreur de son enfance.
Tim BURTON avait vu beaucoup de films sur ce thème dans son jeune âge.
Le protagoniste du court-métrage rêve de devenir, en quelque
sorte, un savant fou. Par ailleurs, il avoue être fan de l'acteur
Vincent PRICE... tout comme BURTON.
Le
film est d'ailleurs conté en voix off (en VO) par l'illustre comédien.
Tim BURTON, qui avait eu la chance de devenir l'ami de Vincent PRICE,
allait d'ailleurs lui donner son dernier rôle sur grand écran
dans le rôle de l'inventeur d'Edward aux mains d'argent (1990),
et commençait à lui consacrer un documentaire, Conversation with Vincent,
avant que la mort n'emporte le célèbre acteur en 93. Le documentaire
reste donc inachevé.
Vincent
PRICE : acteur-culte de la Chute de la maison Usher (60)
Finalement
le film remporte un solide succès critique, raflant prix et récompenses,
dont deux au Festival de Chicago. Mais, censé être projeté en
première partie de la restauration de Pinocchio, il devra passer outre,
Disney le jugeant finalement trop sombre.
Mais,
en fin de compte, de quoi parle Vincent ? C'est l'histoire de Vincent
Malloy (VO), petit garçon de sept ans qui se prend pour son idole Vincent
PRICE. Il va donc s'inventer un monde décalé et horrifiant, venu des
livres de son auteur favori : Edgar Allan POE. Le petit garçon fantasme
de transformer son chien et de plonger sa tante dans de la cire chaude.
Mais après avoir lu dans un livre de POE que sa femme a été enterrée
vivante, il dépasse le stade du fantasme et va creuser la tombe
pour l'en sortir. Sa mère, voyant que son fils déterre le jardin, l'envoie
en punition dans sa tour sombre... Là, le petit garçon sombre
peu à peu dans la folie et, hallucination après hallucination,
va jusqu'à sa perte (la fin le laisse penser), s'imaginant possédé par
le lieu.
Tim
BURTON signait avec son premier court-métrage une œuvre plus ou moins
autobiographique, faisant montre d'un goût prononcé pour le macabre.
Le film met en scène un personnage confondant fiction et réalité,
et se termine sur une question : le personnage de Vincent a-t-il été
emporté par la fiction ?
On
a ici un dessin animé très court que l'on peut qualifier sans peine
de chef-d'œuvre. Réalisé en noir et blanc et stop-motion, il
est entièrement narré en alexandrins ce qui le rend de fait immensément
poétique. Œuvre très noire comme souvent chez BURTON (Batman, le défi
est lui aussi très lugubre), on retrouve tout de suite la patte du réalisateur
qui jouait ici aussi le rôle de scénariste et de designer.
Le film a également un rapport évident avec Edward aux mains
d'argent, où le réalisateur parlait de son enfance.
LA
TRISTE FIN DU PETIT VINCENT...
En
1997, Tim BURTON démontre qu'il possédait également
des talents d'écrivain, en publiant son premier livre : La Triste
Fin du Petit Enfant Huître, et autres histoires. Ce recueil de 23
poèmes (120 pages) contient tout l'univers burtonien, étrange, cruel
et macabre. Superbement illustré par les superbes et troublants
croquis de l'auteur lui-même, l'ouvrage est présenté dans les langues
française et anglaise.
Pourquoi
cette digression ? Eh bien toutes les histoires composant le livre (souvent
très courtes) possèdent de grands liens avec Vincent et même l'Etrange
Noël de Monsieur Jack (les deux films possédant le même univers, le
même genre de personnages, ainsi qu'une unité graphique similaire).
La
Triste Fin du petit Enfant Huître... est un livre que tout amateur
du réalisateur étrange de Vincent doit connaître, tant il est brillamment
écrit et regorge d'inventivité. La nouvelle éponyme est la plus longue
de l'ouvrage. Egalement la plus belle et la plus tragique. On regrettera
d'autant plus que le réalisateur ne réalise plus de courts-métrages
d'animation, tant cette histoire aurait méritée une adaptation.
CHEF-D'ŒUVRE
DE NOIRCEUR
Riche
de nombreuses influences assumées (Edgar Allan POE, Dr SEUSS,
les films d'horreurs, expressionisme allemand), Vincent est le résumé
saisissant, en seulement six minutes, de tout l'imaginaire de son auteur.
Il représente tout simplement la quintessence de l'art burtonien,
et le cinéaste s'en inspirera fortement pour créer l'ambiance
et l'univers de l'Etrange Noël de Monsieur Jack...
Johann Gourlet
Fiche
d'identité
- Origine : Etats-Unis - Noir et Blanc
- 6 minutes.
- Date de sortie France : 1982.
- Production : Rick HEINRICHS.
- Réalisateur : Tim BURTON.
- Scénario : Tim BURTON.
- Doublage VO : Vincent PRICE.
- Musique : Ken HILTON.
- Sortie DVD : 27 Novembre 2002 (sur l'Etrange
Noël de Monsieur Jack)
-
Lien Internet :
http://www.timburton.be.tf
EN
+ :
On peut à présent trouver ce court-métrage sur le DVD
de l'Etrange Noël de Monsieur Jack, très bien fourni en bonus,
avec un bon son et une excellente image (on y trouve également
le second court-métrage de BURTON, Frankenweenie).
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"Vincent
est le résumé saisissant, en seulement six minutes, de
tout l'imaginaire burtonien..."
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