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X-Men



POUR

A
près les adaptations sur grand écran de l'incroyable Hulk et autres Superman, on pouvait s'attendre à une nouvelle mouture de Batman, ou bien à un Spiderman (qui a su se laisser désirer). Mais ce sont les X-Men qui répondront à l'appel, sous la direction de Bryan SINGER.


UN LOURD FARDEAU

Le mot est fa
ible car, lorsqu'une BD vieille de plus de trente ans, avec des millions d'admirateurs à travers le monde, s'apprête à être adaptée au cinéma, les fans attendent le réalisateur au tournant. Lourde tâche également pour Bryan SINGER de satisfaire les non-aficionados de la série, sans les perdre sous des termes complexes ou des scènes "clins d'œil" incompréhensibles… Si l'on ajoute à cela les délais (les producteurs ont tenu à sortir le film 6 mois avant la date convenue…), les effets spéciaux, les costumes souvent ridicules dans ce genre de production, le projet tient de la folie furieuse. Et pourtant…

A mon sens, le plus complexe dans cette adaptation fut de "coller" au comic-book tout en restant relativement crédible. Difficile à tenir lorsque Serval se balade en combinaison jaune, et que Dents-de-sabre fait dans les 3 mètres de haut… Bien souvent, la meilleure solution (Bryan SINGER l'a remarquablement compris) est de changer radicalement le scénario, ainsi que l'apparence des personnages, et en ne gardant que -ou presque- ce qui fait tout le succès d'un bon vieux comics : l'ambiance générale. Après tout, ce qui plaît dans les X-Men, c'est avant tout la perspective de mutants vivant dans notre société, essayant de s'intégrer tant bien que mal (oui, bon, les combats c'est sympa aussi !). Ainsi plus récemment, Peter JACKSON a su faire du Seigneur des Anneaux un excellent film tout en restant fidèle à l'esprit, sans pour autant se priver de couper les ¾ de l'histoire… Et ça marche ! Selon Bryan SINGER lui-même : "Mon approche à toujours été : comment aimerais-je qu'un réalisateur tourne mon univers préféré ? J'aimerais simplement qu'il le prenne au sérieux. Comme tout film sérieux de science-fiction". Ainsi, dans X-Men, les effets spéciaux ont beau être très présents, on n'y voit que du feu et ils s'inscrivent parfaitement à l'écran, sans débauche inutile. Les costumes eux aussi sont très sobres, noirs, avec juste le petit 'X' des X-Men…


TOUR D'HORIZON DES PERSONNAGES

- Le professeur Xavier est le mentor des X-Men. Doté du pouvoir de télépathie, il a pris les mutants sous sa protection dans son école. Mutant et handicapé, il a décidé de recruter les X-Men chez les mutants les plus rejetés, dans le but de combattre les mauvais mutants, rassemblés entre autres sous la tutelle de Magneto.

- Malicia est une adolescente en fugue : depuis peu, elle absorbe l'essence vitale de tous ceux qu'elle touche… Le fait qu'elle soit mal dans sa peau et seule au monde la rapprochera de Serval.

- Wolverine (ou Serval), est particulièrement mis en avant, sans doute à cause de son coté cynique et détaché. Amnésique, sa capacité à se cicatriser en quelques secondes a amené certains scientifiques à remplacer son squelette entier par de l'adamantium. Il peut depuis sortir de redoutables griffes de ses mains… On peut regretter qu'il soit à la fois plus jeune et moins costaud que celui de la série. A la fois le personnage le moins proche de l'original et le plus réussi.

- Cyclope est condamné à fermer les paupières s'il ne veut pas blesser son entourage : de ses yeux sortent des rayons d'énergie pure. Ses lunettes lui permettent de pallier ce handicap en stoppant les rayons.

- Le docteur Jean Grey, l'amie de Cyclope, peut déplacer les objets par la seule force de la pensée… On peut regretter que son rôle soit mis au second plan, ses pouvoirs n'étant pas aussi spectaculaire que ceux des autres protagonistes.

- Tornade, mutante capable de commander au temps, est l'une des plus anciennes X-Men. Plus jeune et plus faible dans le film de Brian SINGER, elle joue un rôle d'éducatrice pour les jeunes mutants.

- Magneto fut l'ami du professeur Xavier, avant devenir une menace pour l'humanité : pour lui, les mutants doivent dominer le monde. Les objets fait de métal sont sous son contrôle absolu.

- Dents-de-Sabre est un puissant mutant à la taille impressionnante, capable de déraciner des arbres à bout de bras, ou de faire des bonds énormes. C'est l'équivalant mauvais de Serval.

- Le Crapaud, mutant rallié à Magneto est aussi insaisissable qu'agile, sans oublier sa langue énorme et sa bave plus collante que de la glue…

- Mystique est la compagne de Magneto (du moins leurs rapports sont ambigus dans le film). Si son pouvoir s'arrêtait à sa capacité à prendre l'apparence de ses infortunés adversaires, elle serait déjà redoutable. Mais elle est également une adepte du combat au corps à corps, qu'elle maîtrise parfaitement.

- Le Sénateur Kelly veut la destruction des mutants, d'une manière ou d'une autre. Pour lui, tous sont une menace pour l'humanité. Et sa lutte un tremplin pour sa carrière…


PARI REUSSI ?

Oui ! De bout en bout, le film étonne, éblouit, et n'a de cesse d'intriguer le spectateur jusqu'au dénouement final. Il est plus qu'étonnant qu'un si jeune réalisateur réussisse un film aussi difficile à mettre en défaut [ND Pierre, rédac chef : Euh... Le premier film de Singer, Usual Suspects, est pas mal non plus. Et Orson Welles a réalisé Citizen Kane à 26 ans...]. Tout d'abord, l'épreuve du casting s'avérait ardue. Mais ce dernier se révèle être l'un des plus gros atouts du film : en effet, les acteurs sont des "têtes qui vous diront quelque chose", mais ne sont pas les stars qu'on pouvait attendre (quoique Halle BERRY et Hugh JACKMAN par exemple aient désormais acquis un certain statut). Certains sont des choix surprenants, mais se révèlent efficaces (Patrick STEWART alias "Capitaine Picard" de Star Trek, Sir Ian Mc KELLEN…). L'autre épineux problème auquel Bryan SINGER était confronté est celui du scénario. Car comment résumer l'univers des X-Men en 1 h 40 ? Là encore, le réalisateur relève le défi avec brio : le scénario condense la rivalité X-Men/mauvais mutants, le thème du racisme cher à Stan LEE (créateur de nos héros, je vous le rappelle), l'ancienne amitié du professeur X et de Magneto, les rivalités au sein du groupe… Bien que cela n'ait été mentionné nulle part, bien des éléments du scénario (le sénateur, les mutant persécutés, Magneto rêvant d'un monde fait pour les mutants ou bien les ennemis des X-Men devenant eux-mêmes mutants…) sont sans doute empruntés à un épisode de 1984 : "Dieu Crée, l'Homme Détruit".



La couvert
ure de l'épisode "Dieu Crée, l'Homme Détruit".

Passée la préparation du film, il restait à rendre tout ce beau monde crédible à l'écran, et là… certains passages (les scènes de transformations, de vol, certains combats…) laissent difficilement de la place au jeu d'acteur. Laissons l'intéressé s'expliquer : "Il s'agit toujours d'interprétation, et quelle que soit l'extravagance des costumes, il faut quand même expliquer à Ian Mc KELLEN, suspendu par des câbles : 'Il faut que ce soit réel, naturel. Tu dois être réel'. Et il vous regarde et vous dit : 'Bon, d'accord, on recommence…'".

Là encore, malgré certaines scènes un peu convenues (comme les blagues graveleuses de Serval…) l'ensemble passe bien, et on est certain de ne pas regarder le dernier VAN DAMME.


DES REGRETS ?

Eh oui, car j'ai beau avoir un certain attachement pour cette bonne vieille production de derrière les fagots, elle n'est pas exempte de tout défaut… Ou plutôt de regrets : par exemple, même si Serval est carrément jouissif à l'écran, on aurait préféré une interprétation faisant plus ressortir le coté bestial et vieux bricard du personnage. On regrette également que les "gentils" soient aussi niais, après tout, ils sont censés être les plus forts, les plus malins… Pourtant ils passent la moitié du film à se faire avoir par le trio des méchants sous la coupe de Magneto (et encore, ils ne sont souvent que deux !). Quand arrive le dénouement, on a le sentiment que la victoire des X-Men est due à la chance… Enfin, beaucoup regretteront l'absence de Colossus, Diablo, Angel… Ce qui m'amène à vous parler d'une éventuelle suite [ND Pierre : X-Men 2 est tout à fait confirmé. En cours de tournage, il sortira à l'été 2003]. Lorsqu'on lui parle des protagonistes de la prochaine mouture, voici ce que répond Bryan SINGER : "Je ne peux pas vous assurer que Les Sentinelles ou Dark Phoenix seront dans le film, mais merci de poser la question !"


VERDICT

Que dire de plus ? Bryan SINGER a su relever le défi qui lui était lancé avec une grande aisance, et nous pond cette excellente adaptation des super héros les plus populaires de la planète… Pour continuer dans la lancée, à l'heure où vous lisez ces lignes, Spider-Man tisse sa toile sous la caméra inspirée de Sam RAIMI. L'objet d'une future critique sur Frames !

Joscelin Bollut




CONTRE



Veau d'or de la Marvel, les pauvres X-Men en auront vu de toutes les couleurs durant ces années de lutte interminable : changements d'équipe, luttes intestines, imbroglios spacio-temporels, cross-overs à tiroirs, départs puis retours puis départs encore, "Je t'aime moi non plus" par ci, triangles amoureux par là, morts, résurrections, au secours n'en jetez plus ! Comparé à leurs aventures, Dynastie tient du haïku... C'est bien là que le bât blesse dans l'univers comics : tant qu'il y aura des thunes, personne ne voudra s'arrêter. Comment voulez-vous tenir la distance dans ces conditions? Tenez, la mort du Phenix qui aura en son temps déchainée les passions... On avait là une grande tragédie contemporaine sur fond de space-opera, avec destruction de soleils à la clé et conflit cosmique chez les SHI'AR ... Eh bien non, il a fallu qu'ils la ressuscitent. Alors vous je sais pas, mais moi les BD qui franchissent le numéro 200 sans même amorcer un début de conclusion, je trouve ça limite louche.


MARVEL CREE, HOLLYWOOD DETRUIT

Du coup le scénariste des X-Men (qui soit dit en passant à raflé l'arlésienne Watchmen, Saint Moore, Saint Gibbons priez-pour nous), il se demande comment ferrer ce gros poisson. C'est vrai quoi, ils sont marrants les magnats d'Hollywood, ils passent des commandes le cul vissé derrière leur bureaux néo-rococo, ils veulent leur petit produit super-vite pour pas louper leur timing, mais cette oeuvre monstre et labyrinthique, c'est pas eux qui vont l'adapter... Pour autant le bonhomme a bon goût : il s'inspire du "Dieu crée l'homme détruit". Attention, on édulcore tout de même le propos : avec la scène de crucifixion et la droite chrétienne fascisante, on auraient écopé d'une interdiction aux moins de 16 ans... Je vois d'ici la panique dans les supermarchés : "Maman, Maman, achète-moi le Xavier sur sa croix qui se fait dévorer par Diablo !". On modèle donc un peu tout ça pour en revenir au problème classique du X-Men par Jim Lee des 90's : les mutants opprimés philantropes contre un Magnéto aux perspectives darwinistes un peu hardcore. Alors la base scénaristique tient debout, c'est sûr, mais quand les fondations sont en plastique...


RIEN DANS LA TETE, TOUT DANS LE COSTUME

Pour n'importe quel fan de la série (moi le premier), la curiosité et le bonheur de voir une bonne rafale de Cyclope sur grand écran feront le reste... Mais quid des enjeux scénaristiques? Après dix ans de régime Special Strange, le lecteur navigue en père peinard dans l'univers touffu de la team : tous les héros lui sont familiers jusque dans leurs amourettes de lycée, leur caractère, leur origine, les tensions et les romans familiaux participent du plaisir de lecture. Mais en deux heures, sachant qu'il faudra obligatoirement niveler l'histoire vers le bas pour rester accessible, comment pourrait-on s'attacher à développer une équipe entière, sans même parler des bad-guy... Résultat : un épisode (pas un film, un épisode, et un tiédasse en plus) où tout passe trop vite sans que ça nous préoccupe d'ailleurs vraiment. Une douce torpeur dont ne sauraient nous tirer que quelques scènes de combat honorables (en deçà cependant du fabuleux Spidey de Sam Raimi, meilleure adaptation de comics jusqu'à ce qu'Aronofsky se décide enfin à un Dark Knight Returns), mais pas le moindre morceau de bravoure à l'horizon. Ici, on ne s'attarde pas sur les origines, on évacue toute phase de transition. Pas d'évolution pour nos amis costumés, juste un état de super-héros, rigide et creux. Le casting n'est certainement pas à remettre en cause, il est même tout à fait audacieux, mais les personnages manquent tellement de matière... Bref, les X-Men auraient mérité mieux.


SUPEUR-MINEUR

Sorti de là, parler revient à entrer dans les détails accessibles aux seuls fans de la série. Le choix des vilains (un Magnéto forcément très bien, un moignon de la confrérie des mauvais mutants, et un crapaud qui place la barre très haut dans le manque de charisme ), le choix des super-gentils (un Serval pas trop bourru, une Malicia étonnament jeune et pas encore schizophréne, une Tornade anecdotique et un Cyclope insipide), le faux-débat sur les changements de costume (passés comme d'hab à la moulinette matrixienne qui fera sûrement très kitsch d'ici cinq ans)... Il y'a bien sur le minimum syndical de petit clins d'oeil, les cameos cachés dans l'arrière plan pendant les cours à l'institut Xavier, la vanne appuyée sur le costume jaune de Serval... Des détails, donc. Et puis mince, ils m'ont soûlé ces X-Men. C'est une grosse pompe à fric voilà tout, typiquement le genre de film niaiseux à cause duquel on casse du sucre sur le dos des comics. Je sais pas moi, retournez voir le Batman de Burton, le Spidey, les Superman avec Christopher Reeves... Pour ce qui est du film de Singer, il est aux adaptations de super-héros ce que La Menace Fantôme est à la saga Star Wars [ND Pierre, rédac chef : Ouh, comme tu y vas ! La première demi-heure du film, supérieurement écrite, réalisée et interprétée, est dense, élégante, réaliste et premier degré. Les scènes d'exposition de Magnéto et Malicia sont vraiment magnifiques, le problème des droits des mutants est brièvement mais intelligemment abordé, et les rêves de Serval, certes allusifs, n'en sont pas moins puissamment évocateurs. Le reste est moins bon, mais de là à crucifier ainsi le film... Et puis d'abord moi j'aime bien la Menace Fantôme, rien que pour les sublimes Darth Maul et Duel of the Fates ! Na].

Tristan Ducluzeau


Fiche technique

- Origine : Etats-Unis - Couleurs - 1 h 40 minutes.
- Date d'arrivée en France : 16 août 2000.
- Production : Lauren SHULER et Donner Ralph WINTER.
- Réalisateur : Bryan SINGER.
- Scénario : Bryan SINGER, Tom DeSANTO et David HAYTER.
- Casting : Patrick STEWART, Hugh JACKMAN, Ian Mc KELLEN, Halle BERRY, Rebecca ROMIJN-STAMOS, Famke JANSSEN…
- Musique : Michael KAMEN.
- Box-Office France : NC.
- Sortie DVD : 21 mars 2001.
- Lien Internet : www.x-men-the-movie.com

 

"De bout en bout, le film étonne, éblouit, et n'a de cesse d'intriguer le spectateur..."

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Même si Serval est carrément jouissif à l'écran, on aurait préféré une interprétation faisant plus ressortir le coté bestial et vieux bricard du personnage..."



























































































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En deux heures, sachant qu'il faudra obligatoirement niveler l'histoire vers le bas pour rester accessible, comment pourrait-on s'attacher à développer une équipe entière, sans même parler des bad-guy..."

















































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X-Men est un épisode (pas un film, un épisode, et un tiédasse en plus) où tout passe trop vite sans que ça nous préoccupe d'ailleurs vraiment"