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Mes voisins les Yamada



Si le titre français en forme de clin d'œil à Mon voisin Totoro fait directement référence au grand MIYAZAKI, le film qui nous intéresse ici n'est dû qu'au travail acharné et méticuleux d'Isao TAKAHATA, présenté comme l'éternel second couteau des studios Ghibli.

Déjà responsable du très musical Goshu le violoncelliste ou du Tombeau des Lucioles (mélo touchant déjà culte), Isao brosse ici le portrait d'une famille nippone lambda, à travers une succession de saynètes toutes plus irrésistibles les unes que les autres, empreintes de bout en bout de la culture du pays du Soleil Levant. Une comédie qui joue sur le visuel et le verbal, au point que les Yamada semblent être aux japonais ce que les Simpson sont aux américains !

Véritable curiosité cinématographique, entre OVNI façon essai expérimental et chronique tendre et simple de vies ordinaires, Mes Voisins les Yamada transpose à l'écran les petites vignettes dessinées, déjà parues dans des hebdomadaires nippons, de la famille en question.

Takashi, le chef de famille (notion patriarcale chère à TAKAHATA, soucieux des hiérarchies d'antan), est le modèle du père autoritaire un rien bougon, qui a sur son épouse Matsuko autant d'autorité qu'un chien de garde sur un poulpe... Femme au foyer flemmarde et découragée dès qu'il s'agit de s'atteler aux tâches ménagères, elle supporte (avec bien souvent une complicité ineffable) la compagnie de sa mère Shise, véritable commère à la langue bien pendue, toujours aussi énergique malgré ses 70 balais bien tassés... Noboru, le fils, a hérité du gêne de la flemmardise par sa mère, et se complaît dans la paresse, aussi bien à l'école que dans les services qu'il pourrait rendre chez lui... Et enfin Nonoko, la plus petite représentante de la gent féminine de la famille, observe tout ceci avec recul, et son côté exubérant en agace plus d'un (elle mange plus que de raison, parle fort et possède un franc-parler évident...). Pour couronner le tout, les Yamada ont un animal de compagnie aussi amorphe qu'expressif : c'est Pochi, un chien de garde toujours campé dans sa niche, boudeur, faisant la sourde oreille volontairement, et ne daignant se lever que pour mordre par surprise ses maîtres !

Toute cette petite famille, brossée ainsi, semble totalement allumée et décalée (du moins par trop exagérée), mais il n'en est rien : elle possède un capital sympathie très fort, et, encore plus étonnant, aussi bien aux yeux du spectateur occidental que japonisant. Leurs coutumes et traditions, parfois obscures pour nous ou possédant un charme à mettre sur le compte du folklore nippon, nous interpellent pourtant, et renvoient à nos propres existences, à nos manies et à nos travers, à nos us et coutumes propres. C'est là que réside fondamentalement tout le charme de ce film.

Comédie à sketches (entrecoupés de haikus, des petites pensées et dictons d'une sagesse orientale), Mes Voisins les Yamada bénéficie en outre de techniques d'animation réellement novatrices qui constituent une prouesse technique : animé par ordinateur à partir de dessins d'aquarelle réalisés traditionnellement (autrement dit à la main !), le résultat à l'écran est bluffant. Qui croirait qu'un film aussi minimaliste graphiquement parlant (économie de décors, trait épuré) ait appelé des moyens plus onéreux que le somptueux Princesse Mononoké ? Encore que la scène hyperréaliste (avec les jeunes voyous qui font du bruit dans le quartier) tranche avec le ton général du film, précipitant le spectateur dans une violence radicale -brisant le rythme général [ND Pierre, rédac chef : ouh là là là là, ça oui alors, elle est vraiment super radicale la violence de Mes voisins les Yamada ! Encore un peu et on se croirait presque dans un Kawajiri ! Hahaha ! T'as fumé quoi Gersende ?]. Le DVD disponible montre bien que, derrière cette apparente simplicité, se cache un véritable défi technique, une réelle gageure que l'on ne devrait pas revoir de sitôt.

Mais si Mes Voisins les Yamada constitue un passage obligé pour tout animefan digne de ce nom, en raison de son traitement thématique et de son côté novateur (utiliser le dernier cri de la technologie pour revenir à l'essence-même du crayonné), il peut s'agir d'un film difficile d'accès pour le spectateur-lambda, qui aura bien du mal à entrer dans cet univers typé, et parfois abscons sans un minimum de connaissance des moeurs japonaises. Il n'en reste pas moins une oeuvre très touchante, délicieusement rétro et moderne dans le ton employé (c'est toute la contradiction du train de vie japonais), clôturée par un hymne français littérallement enthousiasmant : "Que sera sera...".

Sans fioritures ni discours plombant sur une quelconque idéologie rétrograde, voici un film qui fait aimer la vie, et nous réconcilie avec la notion de famille. Tout simplement.

Gersende Bollut


Fiche technique

- Titre original : Hohokekyo Tonari no Yamada-kun.
- Origine : Japon - Couleurs - 1 h 44 mn.
- Date de sortie France : 04 avril 2001.
- Production : Yasuyoshi TOKUMA.
- Réalisateur : Isao TAKAHATA.
- Scénario : Isao TAKAHATA, d'après la bande dessinée d'Isaichi ISHII.
- Doublage VO : Yukiji ASAOKA, Tooru MASUOKA, Masako ARAKI, Naomi UNO...
- Musique : Akiko YANO.
- Box-Office France : 18.176 entrées.
- Sortie DVD : 20 février 2002.
- Lien Internet : www.ocean-films.com

 

"Il s'agit d'un retour aux sources du travail d'animation. C'est pour cela que le trait apparaît de façon progressive au début du film, de manière à susciter une prise de conscience par rapport à cela"

Isao Takahata